Lancien président de la République Jacques Chirac est décédé à l'âge de 86 ans. Paris Match retrace son histoire d'amour avec Bernadette
Ilfaut profiter des moments où les foules s’absentent des grands musées et des expositions paradigmatiques pour interroger l’Art. On a le temps. Rien ne presse. L’Art aussi a le temps. Il n’est pas sous pression médiatique et populaire. Il peut s’asseoir. Prendre un verre de bière si le cœur lui en dit. Il peut aussi se poser sur un trépied au-dessus de vapeurs délétères et
aucinéma sur mes écrans. Claude et Georges Pompidou: L'Amour au coeur du pouvoir. Fr. 2012. Documentaire de Pierre Hurel. Durée: 85 min. en savoir plus sur ce film. Régie du classement
PhilippeLavialle. Mouvements jupe. 1983 / 1985. Marc Chagall. Le mouvement. 1921. François Le Diascorn. Musicien en mouvement (Les musiciens et les masques) 1981.
AlainPompidou raconte sa mère. Le professeur Alain Pompidou en dédicaçait à Cajarc en 2013, il recommence aujourd'hui. Photo DDM archives M. M. Profondément attaché au couple qui l'avait
IjFJ.
Documentaire histoire de 1h25min de 2012Le récit des quatre années et demi du couple Pompidou à l'Elysée, depuis la calomnie initiale jusqu'à la mort du Président, terrassé par une Claude et Georges Pompidou l'amour au coeur du pouvoirSynopsisDébut octobre 1968, une rumeur enflamme le tout-Paris Claude Pompidou, la femme de l'ancien Premier ministre, aurait fait assassiner un playboy yougoslave, Stephan Markovic, parce qu'il la faisait chanter avec des photos de parties fines. Ce complot sordide scelle le destin de Georges Pompidou, qui vient de quitter Matignon après six années de fonction. Outré par cette machination fomentée par certains gaullistes, il décide de briguer la présidence. Ce documentaire raconte les quatre années et demi du couple Pompidou à l'Elysée, depuis la calomnie initiale jusqu'à la mort du président, terrassé par une leucémie.
Début octobre 1968, une rumeur enflamme le tout-Paris Claude Pompidou, la femme de l'ancien Premier ministre, aurait fait assassiner un playboy yougoslave, Stephan Markovic, parce qu'il la faisait chanter avec des photos de parties fines. Ce complot sordide scelle le destin de Georges Pompidou, qui vient de quitter Matignon après six années de fonction. Outré par cette machination fomentée par certains gaullistes, il décide de briguer la présidence. Ce documentaire raconte les quatre années et demi du couple Pompidou à l'Elysée, depuis la calomnie initiale jusqu'à la mort du président, terrassé par une et Georges Pompidou l'amour au coeur du pouvoir a été diffusé sur France 3 le jeudi 17 septembre 2015, 23H40.
3/4. Leur premier voyage officiel, une visite aux Etats-Unis, s’est mal passé. Claude qui était partie avec 23 tenues, a certes commencé par faire un carton dans la presse américaine. Time magazine a même titré "La silhouette de Claude est un rêve de couturier". Si fier de sa femme, Georges Pompidou plaisante "Je suis le mari de Claude" comme Kennedy disait qu’il était le mari de Jackie une phrase éculée que presque tous les Présidents français ont prononcé depuis. Mais à Chicago, quelques jours plus tard, tout dérape. Le couple présidentiel est pris à partie, et même insulté, par des manifestants sionistes, qui reprochent à la France d’avoir vendu des mirages à la Libye. Claude, déjà sur les nerfs, est bouleversée, elle exige de rentrer immédiatement à Paris, Pompidou, qui ne supporte pas de voir sa femme injuriée, est lui-même est très en colère. Il faut toute la diplomatie du Président Nixon, qui vient en personne présenter ses excuses pour que le couple présidentiel accepte de rester sur le sol américain. Pompidou a sur-réagi. La presse française le lui reproche, qui a tôt fait de la présenter Claude Pompidou comme une reine capricieuse, voire hystérique, sans aucun sens du devoir et uniquement obnubilée par ses tenues. Claude Pompidou a beau répéter qu’elle les emprunte aux couturiers, rien n’y fait. Son image est ternie. Dès lors, elle vit dans la peur de lui nuire. Elle se méfie de tout et de tout le monde. Elle suit à la lettre le conseil que lui a donné Georges ne pas lire la presse qu’elle déteste de toutes façons depuis l’affaire Markovic, à l’exception de la BBC. La seule personne à laquelle elle se confie est sa sœur Jacqueline, qu’elle a chaque jour longuement au téléphone. Elle n’est pas heureuse, elle se sent prisonnière. La preuve ! Son agenda ne lui appartient plus, ses horaires sont extrêmement minutés. Elle s’étonne ainsi de ces rendez-vous qui commencent à ... 10h17ou 17h43 "jusqu’à ce qu’on m’explique, écrit-elle. La journée était strictement minutée, ici pour que personne n’attende, là parce que mon mari refusait que l’on bloque tout un quartier sous prétexte qu’il allait le traverser" 1. On ne lui fait pas de cadeau. Le Canard Enchainé la surnomme "La reine Claude" ou "Madame Pompidour". Dans tout Paris, on raconte que la Première dame se la joue, qu’elle a les nerfs fragiles, qu’elle n’est pas au niveau de la fonction...Le Canard Enchainé la surnomme "La reine Claude" ou "Madame Pompidour"Dur dur d’être Première dame !Bizarrement, aucune voix ne s’élève pour la critiquer lorsqu’elle décide qu’elle n’aura pas de bureau à l’Elysée. Cela ne veut pas dire pour autant qu’elle est oisive une secrétaire travaille avec elle ainsi qu’une assistante sociale, ce sont elles deux qui gèrent le courrier. La Première dame peut recevoir jusqu’à mille lettres par mois. Claude y passe du temps. Chaque jour, une synthèse du courrier reçu lui est présenté. Pour le reste... remise de médailles, réceptions, dîners à l’Élysée, galas de bienfaisance, visites de crèches, voyages en province... elle fait sans déplaisir son job de first lady. Sans déplaisir mais sans plaisir. Depuis le début, elle a senti le piège n’être considérée que comme une gravure de mode, dépensière, écervelée voire un rien excentrique, les caricatures vont si vite... De 1969 à 1974, Claude Pompidou n’est-elle pas la Première dame la plus photographiée de la planète ? De son propre aveu, il fut une période de sa vie où elle a failli devenir snob. Mais elle sest vite repris. Cela ne correspond pas à sa vraie nature, à son éducation par les sœurs des Ursulines. Depuis l’enfance, Claude Pompidou a une conscience sociale dans la salle d’attente de son père médecin – qui recevait à son domicile de Château-Gontier- elle a côtoyé toutes sortes de personnes, des plus aisées aux plus humbles, la Mayenne n’est pas exactement le département le plus riche de France... Et pendant ses années étudiantes, elle a participé à des actions pour aider les personnes âgées. Avec Georges, ils ont depuis longtemps deux projets communs Tout d’abord, "La construction d’un ensemble monumental consacré à l’art contemporain sur l’emplacement du plateau Beaubourg" tel que défini par Georges Pompidou dans une lettre à Edmond Michelet, ministre des affaires culturelles en décembre 1969. Un musée consacré à la culture, à la peinture, à la musique... Le plateau Beaubourg, qui n’est alors qu’un parvis à l’abandon en plein Paris, est l’endroit rêvé "Quand nous passions en voiture le long du vaste plateau Beaubourg, alors à l’état de ruines, il me redisait sa conviction qu’il faudrait construite là un grand établissement voué à la culture et à la création, à rayonnement international et de vocation interdisciplinaire" a confié Claude à sa biographe Aude Terray 2.Sur le même sujet La Fondation Claude Pompidou, l’oeuvre de sa vieLeur second projet, ils s’y sont attelés dès leur première semaine à l’Elysée, c’est ce qui deviendra la fondation Claude Pompidou. Son objectif aider les enfants atteints de lourds handicaps ainsi que les personnes âgées. Claude Pompidou y consacre la majeure partie de son temps. Les opposants de son mari ont beau ne parler que de ses robes, elle en est persuadée le temps lui rendra justice. Elle a enfin le sentiment d’être utile ! Lors de son voyage aux États-Unis, Eunice Kennedy Shriver, la sœur de JFK, lui a longuement expliqué comment fonctionnaient les hôpitaux américains qui "emploient" des bénévoles. L’idée inspire Claude. Le 16 septembre 1970, sa fondation est reconnue d’utilité publique elle emploie six salariés et a Jacques Chirac, ministre de Pompidou, comme trésorier. Le Président a insisté... Claude Pompidou obtient des subventions de conseils généraux et de municipalités mais une partie importante du financement de sa fondation provient de ses relations, qu’elle sollicite. Celui qui n’est "que le mari de Claude" est bluffé "Songe qu’en tapant directement les gens, écrit le Président à un de ses amis d’adolescence, elle a ramassé près d’un milliard d’anciens francs." 3 1 L’élan du cœur, Claude Pompidou, ed Plon 2 Claude Pompidou l’incomprise, Aude Terray, ed du Toucan 3 Georges Pompidou lettres, notes et portrait, Alain Pompidou, lettre du 2 janvier 1972, cité par Robert Schneider dans Premières dames, ed Pocket. Laurence Pieau est journaliste, auteure et ancienne directrice de la rédaction de Closer. Elle a repris sa plume pour enquêter et brosser le portrait des femmes qui ont été Premières …
Résumés La monarchie byzantine, monarchie absolue, de caractère théocratique, passait pour émaner de Dieu même, d’où l’importance prise à Byzance par les cérémonies destinées à souligner la sacralité de l’empereur. Il existait néanmoins diverses parades rituelles visant à protéger le basileus contre la tentation de l’hybris, en lui rappelant la précarité du pouvoir et sa nécessaire soumission au Tout-Puissant rite du découronnement, memento mori, conduites de dérision, mimesis Christou. Les miroirs des princes formulent d’identiques mises en garde, en insistant sur l’humaine fragilité de l’empereur, sur sa solidarité avec les autres hommes, et en valorisant par-dessus tout la vertu chrétienne d’humilité. On peut y observer l’influence profonde exercée sur la pensée politique des Byzantins par le texte de la Bible, considérée au Moyen Âge comme un répertoire de modèles et d’antimodèles, permettant d’évaluer l’histoire du présent, soumis à une interprétation typologique, qui fait bien souvent de la démesure la ligne de partage entre bons et méchants. Byzantine monarchy may be defined as an autocracy of theocratic origin the basileus was considered as God’s representative – hence the part ceremonial played in underlining the emperor’s sacred character. Nevertheless, several rituals existed in Byzantium to protect the basileus from hubris – rituals that reminded him of the transitory character of power and of his necessary subservience to the Almighty uncrowning rite, memento mori, derision practices, mimesis Christou. The mirrors of princes express similar admonishing they insist upon the emperor’s human frailty and solidarity with other men, and put emphasis on the Christian virtue of humility. These texts show how much Byzantine political theory was influenced by Holy Scripture the Bible was read as a repertory of models and counter-examples, with which contemporary events were to be compared, according to a typological interpretation of history, prone to see hubris as the main dividing criterion between good and bad de page Texte intégral 1 Shakespeare, Richard II, III, 2, v. 156-166 Teyssandier 1997. Car dans le cercle creux de la couronneQui ceint les tempes mortelles d’un roi,La Mort tient sa cour ; c’est là qu’elle trône en bouffon,Raille sa majesté, ricane de sa pompe,Lui alloue, un instant, une petite scènePour jouer au monarque, se faire redouterEt tuer du regard ; l’emplit de vaine suffisance,Comme si cette chair, rempart de notre vie,Fût d’imprenable airain ; puis, ayant satisfait ses caprices,Elle vient pour finir, d’une petite épingle,Transpercer le rempart de son château ; et adieu, roi1 ! 1Dans son étude sur le suicide, le sociologue Émile Durkheim, constatant la singulière immunité » dont les pays pauvres jouissent en ce domaine, explique cette particularité par le frein que la pauvreté impose aux désirs, tandis que 2 Durkheim 1990, 282 texte commenté par Demont 2006, 354-355. la richesse, par les pouvoirs qu’elle nous confère, nous donne l’illusion que nous ne relevons que de nous-mêmes. En diminuant la résistance que nous opposent les choses, elle nous induit à croire qu’elles peuvent être indéfiniment vaincues. Or, moins on se sent limité, plus toute limitation paraît insupportable2. On pourrait certes appliquer la même analyse au pouvoir, car celui-ci inspire aisément à celui qui l’exerce un sentiment de toute-puissance propice à la démesure. Les Anciens étaient bien conscients de ce danger, inhérent à l’exercice de la domination sur autrui. Dans son fameux débat sur les constitutions, Hérodote fait dire à Otanès, adversaire du régime monarchique Comment la monarchie serait-elle chose bien ordonnée, quand il lui est permis, sans avoir de comptes à rendre, de faire ce qu’elle veut ? Le meilleur de tous les hommes, investi de cette autorité, serait en effet mis hors de ses pensers accoutumés. Les biens dont il jouit font naître en lui l’insolence ὕβρι, et dès l’origine l’envie est innée chez l’homme. Ayant ces deux vices, le monarque a en lui toute méchanceté gorgé d’insolence ὕβρι, il commet beaucoup d’actes follement orgueilleux ; et gorgé d’envie, pareillement 3, 80. 3 Platon, Lois, 4, 713 c-d. Julien cite et commente longuement ce passage de Platon dans l’Ép ... 4 Affirmation similaire dans l’opuscule À un chef mal éduqué, 6 Le vice, dont la course e ... 5 Dion Chrysostome, Or. 57 Nestor, 6-8 Agamemnon et Achille ont péché par insolence δι ̓ ... Dans les Lois, Platon reprend la même idée au sein d’un développement mythique consacré au règne de Kronos si celui-ci décida de placer à la tête des cités, à titre de rois et de chefs », non pas des hommes, mais des démons, êtres d’une espèce plus divine et meilleure », c’est parce qu’il savait qu’aucune nature d’homme n’est capable d’administrer souverainement toutes les affaires humaines sans s’emplir de démesure et d’injustice ὕβρε καὶ ἀδικία »3. On pourrait, sur ce sujet, multiplier les citations ; je me limiterai à deux autres exemples, tirés d’auteurs de l’époque impériale qui furent personnellement témoins des dérives du pouvoir monarchique, puisqu’ils vécurent les années Domitien » Plutarque, qui, dans sa Vie de Sylla, voit dans l’exercice du pouvoir absolu une cause d’altération des caractères, qui deviennent inconstants, vaniteux et inhumains » 30, 64, et Dion Chrysostome, chez qui l’hybris née d’un trop grand pouvoir s’incarne en la figure d’Agamemnon, présenté à plusieurs reprises comme un homme à qui la puissance a fait perdre sagesse et mesure5. Byzance, patrie de l’absolutisme 2On pourrait craindre que ces sages mises en garde, si souvent répétées par les auteurs anciens, n’aient été oubliées à Byzance, où régnèrent pendant plus de douze siècles des monarques sans partage. C’est de toute évidence ce que pensait Voltaire, qui fit représenter en 1778 une tragédie byzantine intitulée Irène, dont l’intrigue, située au XIe siècle, raconte l’insurrection dirigée par Alexis Comnène contre l’empereur Nicéphore III Botaniatès 1078-1081, dépeint sous les traits d’un tyran ténébreux », d’un despote d’esclaves entouré », pur produit d’un système politique pervers, comme le laissent entendre les protestations de l’un des conjurés 6 Acte II, scène 3, éd. de Paris 1877, 350. Texte présenté par Delouis 2003, 104-105. Tant ce palais funeste a produit l’habitudeEt de la barbarie et de la servitude !Tant sur leur trône affreux nos césars chancelantsPensent régner sans lois, et parler en sultans6 ! 7 Cf. Barker 1957, 28-29. Dans la Novelle 105, 2, en affirmant que Dieu a subordonné ... 3Si la critique est sévère, elle n’est pas dépourvue de fondement la monarchie byzantine était en effet une monarchie absolue, ignorant tout équilibre des pouvoirs politiques. L’empereur cumulait pouvoir exécutif, législatif et judiciaire, tous concentrés en sa seule personne c’est lui qui faisait la loi, était l’instance suprême en matière de justice, et contrôlait l’administration ; il n’avait de comptes à rendre à aucune autre instance politique ; il n’y avait donc, en théorie, rien qu’il ne fût autorisé à faire7. 8 Voir Guilland 1959. 9 Nicétas Choniatès, Historia règne d’Isaac Ier Ange, van Dieten 1975, 366 ἐν ... 10 Eusèbe de Césarée, Louanges de Constantin, 1, 3 Celui qui est pour nous le grand roi ... 4Cette suprématie politique absolue accordée à l’empereur tenait au caractère théocratique de la monarchie byzantine le basileus exerçait en effet un pouvoir de droit divin8 ; censé tenir la royauté de Dieu même, il était considéré comme l’élu du Tout-Puissant, son homme de confiance il régnait et gouvernait sous la protection du Très Haut, ses décisions passaient pour exprimer la volonté divine, et l’on disait ses lettres signées de la main de Dieu »9. Eusèbe de Césarée, premier théoricien d’une doctrine théocratique qui a dominé toute l’histoire de Byzance, présente le pouvoir de l’empereur terrestre comme une image de la royauté du Logos le Christ, lui-même vicaire du grand roi » Dieu, qui règne, mais ne gouverne pas ; les vertus de l’empereur sont, par conséquent, une imitation des vertus du Logos, et l’empire terrestre est à considérer comme une image du royaume des cieux10. 11 Cf. Guilland 1959, 218. L’iconographie du pouvoir reflète elle aussi cette idéo ... 5Dans ses acclamations, le peuple rappelle à chaque instant l’origine divine du pouvoir impérial l’empereur est qualifié de basileus promu par Dieu » θεοπρόβληο, proche de Dieu » ἀγχίθεο, de choix de la Trinité », d’ homme divin et supérieur aux hommes » θεῖο καὶ ὑπὲρ ἀνθρώπν ἄνθρπο11. Entre autres formules rituelles consignées, au Xe siècle, dans le Livre des Cérémonies, on peut lire 12 Constantin Porphyrogénète, Cér. I, 9 Vogt 1935, 55. Vous avez été couronnés par l’Esprit Saint, ô souverains des Romains, et en lui vous conduisez votre peuple12 ; 13 Constantin Porphyrogénète, Cér. I, 74 Vogt 1939, 102. En vos mains aujourd’hui ayant remis le pouvoir, Dieu vous a confirmé autokrator souverain, et le grand archistratège étant descendu du ciel a ouvert devant votre face les portes de l’Empire13 ; 14 Constantin Porphyrogénète, Cér. 1, 78 Vogt 1939, 130-131. Votre puissance, amis du Christ, bienfaiteurs promus par Dieu, brille d’un éclat qui vient vraiment de Dieu, et non des hommes14. 15 Sur l’importance de la notion d’ ordre » dans l’idéologie byzantine, voir Ahrweiler 1975 ... 16 Denys l’Aréopagyte, Hiérarchie céleste, 3, 1-2 Roques, Heil & de Candillac 1958. 6La sacralité de l’institution impériale et de son titulaire faisait l’objet d’une mise en scène de tous les instants, dont le cérémonial nous a été méticuleusement transmis par le Livre des Cérémonies. L’empereur Constantin Porphyrogénète, auteur de cette compilation, exprime dans sa préface le souhait que le pouvoir impérial, en s’exerçant avec régularité et ordre ῥυθμ͂ͅ καὶ άξει, reproduise le mouvement harmonieux ἁρμονίαν καὶ κίνηιν que le Créateur imprime à tout l’univers15. L’ordre impérial est donc censé refléter l’ordre céleste – théorie qui, dès le VIe siècle, avait été longuement développée dans le traité sur la Hiérarchie céleste du Pseudo-Denys l’Aréopagite posant l’existence d’une continuité entre hiérarchie terrestre et hiérarchie céleste, l’auteur y qualifiait la hiérarchie d’ ordre sacré » άξι ἱερά, s’élevant à la mesure de ses forces vers l’imitation de Dieu » ὸ θεομίμηον, de manière à offrir l’image de la splendeur théarchique »16. 17 Treitinger 1938, 49-123. Témoin de cette formalisation des rituels, dont la mis ... 18 Dagron 2002, 30. Aux Xe-XIe siècles encore, le mutisme de l’empereur est presque absolu l ... 7Conséquence de cette théorie les apparitions publiques du basileus sont conçues comme de véritables épiphanies, destinées à manifester l’éclat de la puissance divine dont le souverain tient son pouvoir. Tout est fait pour contribuer à ce qu’Otto Treitinger qualifie d’Absonderung, de séparation, de mise à part du souverain17 la splendeur du costume impérial, seul à utiliser la couleur rouge, le caractère hiératique des cérémonies où les moindres gestes sont codifiés, la pratique de la proskynèse aux pieds de l’empereur qui, lors des réceptions au palais, siège sur un trône surélevé sur une estrade, le silence gardé par le souverain, qui s’exprime le plus souvent par un signe de tête à peine perceptible, ou par l’intermédiaire d’un mandator, comme si son corps était présent, mais son esprit dans une autre sphère autant d’éléments concourant à isoler le basileus du monde humain par des limites symboliques qui le placent en dehors de tout contact18. 19 Cf. Guilland 1959. 8On pourrait donc avoir l’impression qu’à Byzance, l’hybris est inscrite jusque dans la mise en scène du pouvoir impérial. Mais la théorie de la théocratie porte en elle-même son propre garde-fou car l’élection divine n’est jamais définitivement acquise, et l’empereur choisi par Dieu est un empereur placé, pour ainsi dire, sous haute surveillance, le pouvoir ne lui étant garanti que s’il observe la volonté divine ; dans le cas contraire, Dieu lui retire son soutien et ses pouvoirs deviennent caducs19. Ainsi la religion joue-t-elle à Byzance le rôle de contre-pouvoir elle exerce une fonction modératrice, que suggérait très clairement la présence dans la salle de réception du palais impérial, le Chrysotriclinos, d’une icône du Christ au-dessus du trône. Au sein même du cérémonial étaient d’ailleurs inscrites diverses parades rituelles contre la démesure, qui avaient pour fonction de rappeler au basileus le sens et les limites de sa mission sur terre. Parades rituelles contre la démesure Le rite du découronnement 20 Constantin Porphyrogénète, Cér. 1, 47 Vogt 1939, 2. 21 Cf. Guilland 1966-1967, 258. 22 Voir par exemple Cér. 1, 1 Vogt 1935, 10-11 et 26 procession à la Grande Église ; 1 ... 23 Dagron 1996, 104, 116. 24 Constantin Porphyrogénète, Cér. 1, 69 Vogt 1939, 84-85. 9Je passerai rapidement sur un rite dont l’étude est au cœur du beau livre, Empereur et prêtre, que Gilbert Dagron a consacré aux relations complexes des pouvoirs politique et religieux à Byzance je veux parler du rite du découronnement. Empereur élu de Dieu », c’est du patriarche que le basileus reçoit sa couronne lors des cérémonies de l’avènement, comme nous le rappelle le Livre des Cérémonies, où l’on voit le patriarche faire la prière sur la couronne du souverain, avant de la lui placer personnellement sur la tête20 ; le patriarche était d’ailleurs le seul personnage de l’Empire à ne pas rendre à l’empereur les honneurs de la proskynèse il saluait simplement le basileus, qui lui rendait son salut et lui donnait l’accolade21. Désigné dès son accession au pouvoir comme fils de l’Église, l’empereur, pendant toute la durée de son règne, sera tenu, lors des multiples cérémonies religieuses qui vont scander son existence officielle, de retirer sa couronne, à chaque entrée dans un lieu saint, et notamment à Sainte-Sophie, la Grande Église22 – signe que dans la maison de Dieu, le pouvoir ne lui appartient plus ; cette couronne qu’il retire pour attester sa soumission au pouvoir spirituel, le basileus la reçoit à nouveau, des mains du patriarche, lorsqu’il quitte l’église, reconnaissant, par ce geste rituel, que la souveraineté ne lui est que prêtée la basileia pleine et entière appartient à Dieu seul, qui la délègue provisoirement à un homme choisi par lui »23. L’empereur byzantin n’emporte d’ailleurs pas dans la tombe l’insigne de la royauté le protocole des funérailles impériales veut que le maître des cérémonies, au moment où le corps du souverain défunt va être mis en bière, remplace sa couronne par un simple bandeau de pourpre – geste accompagné de cette triple proclamation Entre, empereur, le Roi des Rois et le Seigneur des Seigneurs t’appelle. Dépose la couronne de ta tête »24. L’akakia 25 Sur l’akakia, voir Treitinger 1938, 117 ; Kazhdan 1991. 26 Cf. Cér. 1, 1 Vogt 1935, 20 tenue de l’empereur le jour de Pâques ; 1, 9 Vogt 1935 ... 27 Cf. Underwood & Hawkins 1961, 195-196 et fig. 1 et 8. L’akakia est également figurée su ... 28 Constantin Porphyrogénète, Cér. 2, 40 Reiske 1829, 638. Voir Dagron 1996, ... 29 Pseudo-Kodinos, Traité des offices, ch. IV, Verpeaux 1966, 201-202 Cérémonial des f ... 30 Syméon de Thessalonique, De sancto templo, ch. 148, PG, 155, col. 356 … ὴν ἀκακίαν, ... 10Parmi les emblèmes du pouvoir impérial, il en est un tout spécialement destiné à rappeler au basileus le caractère précaire de la souveraineté à côté du globe, symbole de domination universelle l’empereur byzantin est réputé maître du monde », kosmokrator, à côté du sceptre, insigne d’autorité, à côté de la croix, marque de la protection divine dont bénéficie le souverain, apparaît en effet un curieux rouleau de pourpre, dit akakia ou anexikakia, que l’empereur tient à la main en certaines circonstances solennelles25 il est question de cet objet en plusieurs passages du Livre des Cérémonies26, et divers portraits impériaux nous en offrent l’illustration – notamment le célèbre portrait en mosaïque de l’éphémère empereur Alexandre 912-913, qui orne l’une des galeries de l’église Sainte-Sophie27. Un passage du Livre des Cérémonies, où il est question du costume d’apparat porté par l’empereur et ses dignitaires à l’occasion des fêtes de Pâques, parle de l’akakia comme d’un tome » ἀνεξικακία όμου où est inscrite la législation du salut » ὴν ηριώδη νομοθείαν – formule qui, selon Gilbert Dagron, ferait référence aux préceptes évangéliques inscrits sur un rouleau »28. Mais le témoignage de deux auteurs tardifs des XIVe et XVe siècles invite à prendre plutôt la formule du Porphyrogénète en un sens figuré d’après le Traité des offices du Pseudo-Kodinos, ouvrage composé par un haut dignitaire qui appartenait à l’entourage de Jean VI Cantacuzène 1347-1354, l’akakia est un sachet de pourpre en forme de rouleau de parchemin contenant de la terre, marque que l’empereur est humble en tant que mortel, et que la majesté de la royauté ne doit pas le rendre vaniteux et orgueilleux » ; ce sachet pourpre est noué par un mouchoir, symbole de l’instabilité de la royauté qui passe de l’un à l’autre »29. À cette description très précise fait écho celle de Syméon, métropolite de Thessalonique † 1429, qui définit plus brièvement l’akakia comme de la poussière dans un mouchoir, pour signifier le caractère périssable du pouvoir et l’humilité que doit en éprouver [l’empereur] »30. Memento mori 31 Léontios de Néapolis, Vie de Jean de Chypre, chap. 17, Festugière & Ryden 1974, 365 te ... 11La présence de l’akakia parmi les attributs du pouvoir impérial montre qu’à Byzance, la vanité des gloires de ce monde était inscrite au cœur même du cérémonial. Le caractère éphémère de toute puissance humaine était d’ailleurs rappelé aux empereurs byzantins dès leur avènement, puisque la coutume voulait que les constructeurs de la tombe impériale se présentent au nouveau souverain le jour même de son couronnement, pour lui demander en quel marbre il souhaitait voir exécuter son tombeau, lui adressant ainsi une mise en garde que Léontios de Néapolis, dans sa Vie de Jean de Chypre, dit l’Aumônier, patriarche d’Alexandrie 610-619, interprète en ces termes En tant qu’homme mortel et qui passe, prends soin de ton âme et gouverne avec piété ton empire »31. 32 Cf. Vasiliev 1932, 159. 33 Sur les cérémonies du triomphe, voir Cagnat 1919 ; Ehlers 1939 ; Versnel 1970 ; Scheid ... 34 Cf. Pline, NH, 33, 111 ; Tite-Live, 10, 7, 10. 35 Pline, NH, 28, 39 l’effigie du dieu Fascinus est suspendue sous le char des triomphat ... 36 Épictète, Entretiens, 3, 24, 85 Fais obstacle à ton imagination à la manière de c ... 12Un auteur arabe nommé Haroun ibn Yayah, qui fut prisonnier à Constantinople au tournant des IXe et Xe siècles, nous a conservé le souvenir d’une autre cérémonie à l’occasion de laquelle l’empereur byzantin était soumis à un insistant Memento mori il s’agit de la procession des Cendres, à l’occasion de laquelle ibn Yayah vit le basileus se rendre, à pied, jusqu’à la Grande Église, tandis que le ministre du culte lui rappelait tous les deux pas Μέμνηθε οῦ͂ θανάου ; alors, raconte ibn Yayah, le souverain s’arrêtait, regardait la poussière contenue dans son akakia, l’embrassait et pleurait32. La coutume ainsi évoquée rappelle curieusement un usage attesté à Rome lors des cérémonies du triomphe33, où le triomphateur, bien qu’il fût pour ainsi dire transformé en statue vivante de Jupiter, au point de porter la tunique et les ornements du dieu et d’arborer un visage enduit de minium comme celui des statues de culte34, n’en était pas moins flanqué d’un esclave qui, tout en soutenant la couronne d’or de Jupiter, trop lourde pour une tête d’homme, répétait au triomphateur, chaque fois que le peuple poussait des acclamations en son honneur, Respice post te, hominem te esse memento » – coutume mentionnée par divers auteurs latins Pline, Tertullien, saint Jérôme, Isidore de Séville35 et grecs Épictète, Dion Cassius36. Il est possible, comme le pensent certains commentateurs modernes, que cet usage ait eu une fonction apotropaïque et ait été destiné à détourner du triomphateur la jalousie des dieux, au même titre que la bulla et les diverses amulettes qu’il portait sur lui, mais les mises en garde de l’esclave n’en possédaient pas moins une portée didactique, puisqu’elles visaient à prémunir le triomphateur contre la superbia, au moment même où il jouait le rôle du dieu. Les tensions caractéristiques du triomphe romain, dont le héros se trouvait simultanément assimilé à Jupiter et soumis au rappel de son humaine faiblesse, se retrouvent à Byzance, transposées dans le cadre chrétien de la cérémonie des Cendres, en la personne du basileus, à la fois simple mortel et image de la gloire de Dieu. Conduites de dérision 37 Cf. Suétone, César, 49 ; Denys d’Halicarnasse, AR, 7, 72, 11. 38 Séminaire du 3 octobre 1996 Collège de France. 39 Choricios de Gaza, Λόγο ὑπὲρ ν ἐν Διονύου ὸν βίον εἰκονιζόνν, 119-12 ... 13Toujours à l’occasion des cérémonies du triomphe, le général romain victorieux processionnait au milieu des acclamations… et des quolibets, destinés, comme le Respice post te », à détourner de lui puissances mauvaises et tentation de l’hybris37. Il semble que Byzance ait connu des pratiques de dérision analogues, dans le cadre de l’hippodrome, lieu de haute souveraineté », selon la formule de Gilbert Dagron38. De fait, un lien organique unissait à Byzance courses de l’hippodrome et idéologie impériale les victoires remportées par les cochers étaient dédiées au souverain, censé participer symboliquement au triomphe de l’équipe gagnante, et le rituel de la compétition avait pour but ultime d’exalter la puissance de l’empereur, en mettant en scène l’un des articles fondamentaux de l’idéologie monarchique, le don de victoire perpétuelle du souverain. Les courses de char constituaient donc une pièce maîtresse du culte impérial. Or il semble que ces festivités aient aussi servi de cadre aux plaisanteries bouffonnes, dont Choricios de Gaza, dans son Apologie des mimes, souligne l’utilité politique parce qu’il est permis aux mimes de railler sans crainte », ils rappellent opportunément les dirigeants à la modération ἄρχονα… φρονίζονε, alors que les amis des princes reculent devant la majesté du pouvoir » ὸν ὄγκον ὑποέλλοναι ῆ ἐξουία39. 14Le Récit sur la construction du temple de la Grande Église de Dieu nommée Sainte-Sophie, œuvre anonyme du Xe siècle, fait par ailleurs allusion à un rite de dérision, apparemment encore en usage à cette époque à l’hippodrome de Constantinople. Ce rite aurait eu pour origine les démêlés de l’empereur Justinien, fondateur de Sainte-Sophie, avec un dénommé Xénophon, que Justinien voulait exproprier pour pouvoir construire la Grande Église le personnage finit par céder à la demande de l’empereur, mais exigea en contrepartie que pendant la séance de l’hippodrome où cela [la vente ?] se produirait, les quatre cochers lui rendissent les honneurs en se prosternant devant lui » ; l’empereur accepta sa requête et en manière de plaisanterie », décida de pérenniser la cérémonie 40 Récit sur la construction du temple de la Grande Église, 5 Preger 1901, 80 ; ... Les jours de départ , notre homme devait s’asseoir au beau milieu des barrières de départ, et les cochers devaient se prosterner pour rire devant son postérieur avant de monter sur leurs chars. Cela dure jusqu’à nos jours c’est celui qu’on appelle l’archonte des puissances infernales ; il est vêtu d’une chlamyde blanche tissée en lin très fin40. 41 Cf. Dagron 1984, 222. Cette anecdote, caractéristique du folklore urbain de Constantinople, nous fait assister à un épisode de proskynèse dévoyée, où le postérieur d’un homme du peuple se substitue irrévérencieusement à la face rayonnante de l’empereur, Sol Oriens, en un renversement typiquement carnavalesque41. La cérémonie du lavement des pieds 15Le dernier rituel dont je parlerai ici est d’une tonalité bien différente, puisqu’il s’agit d’une pratique qui ressortit à la mimesis Christou. Le Traité des offices du Pseudo-Kodinos nous apprend qu’à une date tardive il n’est pas question de cet usage chez Constantin Porphyrogénète, une cérémonie du lavement des pieds » νιπήρ se tenait au palais impérial, pendant la Semaine Sainte, avant la messe du Jeudi Saint le protagoniste en était l’empereur lui-même, qui réitérait, en cette occasion, le geste accompli par le Christ sur la personne de ses disciples le maître des cérémonies tenait donc prêts d’avance douze pauvres, revêtus pour l’occasion d’une chemise, d’un caleçon et de souliers » Un baquet est placé dans la chambre de l’empereur », le protopapas fait lecture de l’Évangile ; quand il prononce les mots Il verse de l’eau dans le bassin » Jean, 13, 5, l’empereur verse de l’eau dans le baquet. Puis on amène un par un les pauvres tenus prêts à l’avance et portant un cierge allumé ; tour à tour, chacun d’eux s’assied, et le protopapas continue la lecture de l’Évangile ; 42 Pseudo-Kodinos, Traité des offices, XII, Verpeaux 1966, 228-229. Sur cette cérémonie, v ... il lit le passage Jésus se mit à laver les pieds de ses disciples », cela plusieurs fois, jusqu’à ce que tous aient été lavés ; l’empereur lave le pied droit de chacun et, ayant épongé le pied lavé avec un linge suspendu devant lui, il le baise. Ceci fait, la cérémonie du lavement des pieds prend fin42. 43 Jean, 13, 16 Osty & Trinquet 1974. 44 Voir Grabar 1971, 200-201. Dans l’Évangile de Jean, Jésus explique en ces termes le sens d’un geste qui a scandalisé les disciples, habitués à l’appeler Maître et Seigneur L’esclave [autrement dit Jésus lui-même] n’est pas plus grand que son seigneur [Dieu], ni l’envoyé plus grand que celui qui l’a envoyé »43. Transposée au basileus, la leçon du lavement des pieds est donc censée lui rappeler qu’il ne doit pas, lui, esclave, se croire plus grand que Dieu. Sans doute la date d’apparition tardive de cette cérémonie s’explique-t-elle par la tendance qu’ont eue les Byzantins, dans les derniers siècles de leur histoire, à associer plus étroitement liturgie impériale » et offices religieux44 en ces temps difficiles, où l’Empire byzantin lutte, affaibli, pour sa survie, le contenu des rituels s’est appauvri, l’appareil dont s’entourait l’empereur a été beaucoup réduit, et l’accent mis, dans une cérémonie comme le lavement des pieds, sur la mimesis Christou va de pair avec une tendance croissante à souligner l’humanité de l’empereur. Miroirs des princes 45 Cf. Hunger 1978, 157-165 ; Blum 1981. 46 Formule empruntée à Prinzing 1988. 47 L’Ekthesis d’Agapet est destinée à Justinien 527-565, le Λόγο νουθεηικὸ πρὸ βαιλέ ... 48 L’archevêque Théophylacte de Bulgarie s’adresse à Constantin Doukas, fils de l’empereur M ... 49 Thomas Magister destine son miroir des princes au jeune Constantin, fils d’Andronic II Pa ... 50 Voir Anastasi 1976. 16À ces mises en garde ritualisées, intégrées au cérémonial, font écho les admonestations insistantes figurant dans les miroirs des princes, dont les Byzantins nous ont légué une riche collection45. J’ai choisi de limiter mon enquête à une douzaine de textes, qui furent composés entre le VIe et le XVe siècle. Neuf d’entre eux sont de purs représentants d’un genre littéraire dont le discours d’Isocrate À Nicoclès constitue le plus ancien exemple grec ; trois autres sont des miroirs des princes intégrés »46, qui prennent place à l’intérieur d’ouvrages plus vastes, récit historique Théophylacte Simokattès, roman hagiographique Barlaam et Joasaph ou manuel de la vie chrétienne Thesaurus de Théognostos. Ces textes s’adressent soit à des empereurs régnants47, soit à de jeunes princes que leur naissance destine à exercer le pouvoir, et dont nos auteurs étaient, parfois, les précepteurs48. Chez Théophylacte Simokattès et dans Barlaam, les miroirs des princes intégrés » prennent la forme de discours prononcés par des empereurs à l’adresse de leurs successeurs49 – mise en scène que l’on retrouve dans la Parenesis ad Leonem filium, texte censément adressé par l’empereur Basile Ier 867-886 à son fils Léon mais émanant en fait d’un érudit proche du pouvoir ; Les Muses sont la mise en forme poétique des derniers conseils qu’Alexis Ier Comnène aurait adressés à son fils Jean, depuis son lit de mort ; composé peut-être à partir de notes laissées par l’empereur défunt, le poème se donne pour le testament spirituel d’Alexis50 ; enfin, nous possédons un miroir des princes émanant, non plus fictivement, ou indirectement, mais bien réellement et sans intermédiaire, d’un empereur byzantin, Manuel II Paléologue 1391-1425, qui adresse à son fils Jean ses Ὺποθῆκαι βαιλικῆ παιδεία – texte particulièrement intéressant, puisqu’il nous permet d’entrer dans les coulisses du pouvoir, et d’observer comment un monarque investi de l’autorité absolue se met lui-même en garde contre la démesure à laquelle sa position l’expose. 51 Sur la postérité d’Agapet, voir Sevcenko 1978. 52 Voir Sevcenko 1954. 53 Cf. Sevcenko 1954, 163-164. 54 Cf. Gautier 1980, 48. 55 Cf. Dujcev 1965, 117-118. 56 Édition synoptique des deux textes par Hunger 1986. 17Si les textes que je viens d’évoquer ne sont guère connus aujourd’hui que d’une poignée de spécialistes, il n’en fut pas toujours ainsi, et certains ont même bénéficié, pendant des siècles, d’une grande popularité. Tel est le cas de l’Ekthesis d’Agapet cet ouvrage, fort prisé des Byzantins, a non seulement exercé une influence considérable sur les miroirs des princes ultérieurs Pseudo-Basile, Barlaam, Manuel II et fourni de nombreux extraits à divers florilèges byzantins Pseudo-Maxime, Antoine Melissa, mais il a même, apparemment, été utilisé comme texte scolaire, d’où la présence fréquente, dans la centaine de manuscrits où il figure, de scolies grammaticales, lexicales, orthographiques et littéraires51. La diffusion de l’Ekthesis a d’ailleurs largement dépassé les frontières de Byzance traduit en slave, dès le Xe siècle, le texte d’Agapet a bénéficié en Europe de l’Est d’une faveur exceptionnelle, et il exerça une profonde influence sur la propagande des princes moscovites, aux XVe et XVIe siècles52. À la même époque, l’Ekthesis fit aussi l’objet de traductions en latin, italien, français, anglais – traductions souvent dédiées à des princes, Charles IX de France 1563, Mary Stuart 1564, Maximilien II 1569, pour ne citer que quelques exemples. À Louis XIII enfant, on fit lire et traduire une version latine du texte d’Agapet, moyen de perfectionner sa connaissance des langues anciennes tout en le préparant à son métier de roi, et la traduction du prince, publiée en 1612 par son précepteur, David Rivault, fut rééditée en 1649 à l’intention du jeune Louis XIV, en guise de manuel sur l’art de gouverner. D’autres miroirs des princes byzantins ont connu un sort certes moins brillant que l’Ekthesis, mais néanmoins fort estimable la Parenesis du Pseudo-Basile a, comme le traité d’Agapet, exercé une influence importante sur la littérature politique moscovite au XVIe siècle53 ; la Paideia Basilikê de Théophylacte de Bulgarie fut dédiée par son premier éditeur Pierre Poussines au jeune Louis XIV, qui régnait alors sous la régence de sa mère Anne d’Autriche54 ; la lettre de Photius au prince Michel de Bulgarie fut adaptée en vers français par le père théatin D. Bernard, à l’intention du roi Louis XV55 ; quant au Basilikos Andrias de Nicéphore Blemmydès, texte composé par son auteur érudit en style rhétorique et obscur, il fit, au XIVe siècle, l’objet d’une paraphrase, réalisée par Georges Galésiotès et Georges Oinaiotès56 – clair indice de l’intérêt attaché à cette œuvre difficile, mise ainsi à la portée d’un plus grand cercle de lecteurs. 57 Cf. Hadot 1969. 58 Manuel II Paléologue, Praecepta, PG, 156, col. 317. 18On a accusé bien souvent les miroirs des princes byzantins de manquer d’originalité, et de reproduire à satiété les idées de leurs modèles antiques – exaltation des vertus de justice et de tempérance, motif de la μίμηι θεοῦ, importance accordée au choix des amis, mise en garde contre les flatteurs57… Sans doute nos traités byzantins doivent-ils beaucoup à des auteurs comme Isocrate ou Platon, beaucoup aussi aux représentations du pouvoir forgées à l’époque alexandrine dans l’entourage des monarques hellénistiques, et diffusées ensuite par les auteurs de l’époque impériale, mais ils s’efforcent de concilier cet héritage ancien avec celui de la Bible, pour élaborer le portrait idéal d’un prince chrétien. Les lectures conseillées par le Pseudo-Basile à son royal interlocuteur comprennent le Livre de Salomon, le Siracide et Isocrate ch. 66 ; l’empereur Manuel II avoue pour sa part s’être inspiré, pour composer ses Praecepta, de nombreux auteurs anciens Dion, Isocrate, et bien d’autres », mais en les complétant par des emprunts à des hommes plus divins » i. e chrétiens58 ; et dans l’Ekthesis d’Agapet, où l’empreinte chrétienne est particulièrement forte, près de vingt-quatre chapitres environ un tiers de l’ouvrage traitent des relations de l’empereur et de Dieu. Un empereur de terre et de cendre » γῆ καὶ ποδό 59 Isocrate, À Nicoclès, 37. 60 Ap. Stobée, 6, 22 Delatte 1942, 26 texte grec et 47 traduction. Delatte place la ... 61 Le poids des modèles antiques est particulièrement sensible dans le développement où Th ... 19Parmi les thèmes nouveaux figurant dans les miroirs des princes byzantins, on note la présence d’un insistant Memento mori, ressassé d’auteur en auteur, alors que ce motif, lorsqu’il apparaît dans les œuvres antiques, n’y est jamais qu’ébauché. À peine Isocrate a-t-il rappelé à Nicoclès Ne perds pas de vue que toute ta personne se dissout avec toi », qu’il ajoute, comme s’il voulait atténuer l’amertume du propos Mais puisque tu as obtenu du sort un corps mortel θνήου ώμαο, fais effort pour laisser de ton âme un souvenir immortel ἀθάναον ὴν μνήμην »59. Le néo-pythagoricien Ecphante admettait lui aussi, dans son traité Sur la royauté, que le roi est semblable aux autres par la guenille κᾶνο, attendu qu’il fut fait de la même matière », mais il n’en qualifiait pas moins le souverain d’ être plus divin, l’emportant dans la nature commune par son principe supérieur », parce qu’ il fut fabriqué par le meilleur artiste, qui le créa en se prenant lui-même pour modèle »60. Sans doute n’est-ce donc pas un hasard si, dans le seul des traités byzantins où l’influence antique est prépondérante et l’empreinte chrétienne beaucoup plus discrète, la Paideia Basilikê de Théophylacte de Bulgarie, manque précisément le motif du Memento mori61. 62 C’est en raison même de cette ambivalence que l’Ekthesis a pu être exploitée au XVIe si ... 20Agapet parle assurément, comme Isocrate ou Ecphante, de dualité du pouvoir62, lorsqu’il affirme, dans l’un des plus célèbres chapitres de son Ekthesis 63 Agapet, Ekthesis, ch. 21. Ce passage a été intégralement repris dans Barlaam pour carac ... Par la nature de son corps, le roi est l’égal de n’importe quel homme ; par le pouvoir de sa dignité, il est pareil à Dieu, qui veille sur tous ; car il n’y a sur terre personne qui soit plus élevé que lui. Comme Dieu, il doit donc ne pas se mettre en colère et, comme mortel, ne pas s’exalter s’il a l’honneur d’être à l’image de Dieu, il n’en est pas moins lié aussi à l’image de poussière εἰκόνι χοικῇ, et celle-ci lui enseigne qu’il est l’égal de tous63. Ailleurs dans l’Ekthesis, Agapet reprend et amplifie toutefois le motif de l’ image de poussière », qui acquiert ainsi la prépondérance Que nul ne tire vanité de la noblesse de ses aïeux car tous ont la boue πηλόν pour ancêtre de leur race, ceux qui se glorifient dans la pourpre et la soie comme ceux qui se consument dans la pauvreté et la maladie, ceux qui sont ceints du diadème comme ceux qui sont réduits à implorer la charité ch. 4 ; La mort ne se laisse pas intimider par l’éclat des dignités sur tous elle porte ses dents voraces ch. 67 ; Même s’il exerce le commandement sur terre, ne doit pas ignorer qu’il a été tiré de la terre γῆ, que c’est de la poussière du sol χοό qu’il est monté sur le trône et qu’il y redescendra après quelque temps ch. 71. 64 Dagron 1996, 37-38. Voir Marc Aurèle, Pensées, 4, 48 Considérer sans ce ... 21Gilbert Dagron a comparé à juste titre les développements de ce genre aux exercices spirituels mis à la mode par les stoïciens il s’agit, dit-il, de conduire le souverain, par le biais de sentences mémorisables et de formules incantatoires, à une méditation sur lui-même » – contrepoison qui l’immunisera contre l’illusion de la toute-puissance ; la fonction de l’Ekthesis d’Agapet, comme celle des Pensées de Marc Aurèle, est par conséquent de servir de thérapeutique aux inévitables maladies du pouvoir absolu »64. Mais dans le traité d’Agapet, le Memento mori prend des accents nouveaux, d’une brutalité accrue, due peut-être à ce qu’il est formulé en termes où se ressent l’influence de la langue imagée de la Septante. Le motif de l’ image de poussière » εἰκὼν χοική renvoie bien évidemment au récit biblique de la création de l’homme, où l’on voit Dieu façonner Adam poussière prise à la terre » 2, 7 χοῦν ἀπὸ ῆ γῆ, puis le chasser du Paradis Terrestre, avec cette malédiction 65 Gen. 3, 19 Dogniez et al. 2001. À la sueur de ta face tu mangeras ton pain, jusqu’à ce que tu retournes dans la terre d’où tu as été pris, parce que tu es terre γῆ εἶ et que tu t’en iras dans la terre65. 66 Gen. 18, 27 ἐγώ εἰμι γῆ καὶ ποδό. 67 Job, 10, 9 πηλόν με ἔπλαα, εἰ δὲ γῆν με πάλιν ἀπορέφει ; 30, 19 ἥγηαι δέ με ... 68 Sag. 7, 1 Εἰμὶ μὲν κἀγὼ θνηὸ ἄνθρπο, ἴο ἅπαιν καὶ γηγενοῦ ἀπόγονο ... 69 Sir. 10, 9-11 ί ὑπερηφανεύεαι γῆ καὶ ποδό ; 17, 32 ἄνθρποι πάνε γῆ καὶ ποδό ... On songe aussi à Abraham se déclarant terre et cendre » γῆ καὶ ποδό, avant de se risquer à intercéder en faveur des justes de Sodome et Gomorrhe66, à Job rappelant qu’il a été façonné avec de la boue πηλόν et que sa place est parmi la terre et la cendre »67, à Salomon disant être descendant du premier qui fut modelé de terre » γηγενοῦ προπλάου68, à la définition enfin, plusieurs fois répétée dans le Siracide, de l’homme terre et cendre »69. 22Utilisant la même terminologie biblique, le Pseudo-Basile affirme avec force 70 Pseudo-Basile I, Parenesis, ch. 14 Περὶ απεινοφρούνη, col. XXVIII C. C’est la boue πηλό qui est l’unique ancêtre de notre race, même si, poussière χόε que nous sommes, nous nous enflons les uns contre les autres. Souviens-toi donc de toi-même, toi qui n’es que poussière hautaine ὑψηλὸ χοῦ, et sache bien que, si tu as été haussé depuis terre, de toute façon tu retourneras à la terre70. L’auteur du Λόγο νουθεηικὸ πρὸ βαιλέα dit, pour sa part, que tous les hommes sont fils d’Adam, les empereurs et les souverains comme ceux qui gagnent leur pain par leur travail » § 15-16. Thomas Magister rappelle au jeune prince Constantin que, malgré son rang, il partage le lot des mortels » Tu n’étais pas avant de naître…, l’origine de ta race remonte à la poussière et au néant εἰ χοῦν ε καὶ ὸ μηδέν…, non seulement tu ne demeureras pas toujours, mais tu obtiendras toi aussi le même sort que tes ancêtres ch. 2. L’empereur Manuel II tient à son fils un discours tout aussi austère, et plusieurs fois répété au chapitre 7, il lui rappelle que l’homme créé de la main de Dieu est l’ancêtre de tous » et l’invite donc à ne pas s’exalter de l’inégalité de son apparence » Tu es, lui dit-il, boue tirée de la même boue » πηλὸν ὁμοίου πηλοῦ ; au chapitre 68, il reprend Nous sommes tous les enfants d’Adam, qui vint à l’existence façonné par la main de Dieu avec de la boue πηλ » ; et la même thématique reparaît à nouveau dans le centième et dernier chapitre des Praecepta, assortie d’une référence à l’enseignement davidique Il se montre sensé, celui qui, sachant qu’il est poussière χοῦ et qu’il faut accorder son dû à la terre-mère γῇ͂ ῇ͂ μηρί, écoute David et arrive à la mort en état de repentance. Le βαιλεὺ ύνδουλο Compagnon d’esclavage » de ses propres sujets 71 Photius, Lettre à Michel de Bulgarie, l. 619-622. 72 Théognostos, Thesaurus, § 1. 73 Nicéphore Blemmydès, Basilikos Andrias, ch. 35 et 39. 23Beaucoup de passages, dans nos traités byzantins, soulignent la solidarité de l’empereur avec les autres hommes Photius rappelle au prince Michel de Bulgarie que les mêmes règles de comportement valent pour gouvernant et gouverné, car commune est leur nature, communs les commandements , communs la vigilance et le soin requis par ces commandements »71. L’empereur ne doit pas, déclare Théognostos, alors qu’il règne sur des hommes de même nature que lui » ὁμογενν, se laisser dominer par d’indignes passions72. Il doit savoir, dit Nicéphore Blemmydès, que ses sujets lui sont apparentés » ὸ ἀρχόμενον ύγγενε, et penser, s’il châtie l’un d’entre eux, que celui qu’il châtie est de la même essence que lui » ῆ αὐῆ οὐία73. Thomas Magister affirme pareillement 74 Thomas Magister, De regis officiis, ch. 2. Avant tout, il te faut considérer que, même si tu as obtenu de diriger le monde et d’être environné d’une telle puissance, tu n’en partages pas moins toi aussi le lot des mortels et le même sort que nous74. 75 Agapet, Ekthesis, ch. 68. Dans la liturgie même, l’empereur était désigné comme escla ... 76 Barlaam, ch. 36, § 333 ; le même motif est repris au § 334 Barachias devra se montrer ... 24Cette solidarité essentielle liant souverain et sujets, plusieurs de nos auteurs l’évoquent en termes d’esclavage partagé. Sans doute, rappelle Agapet, le roi est-il maître de tous, mais avec tous il est esclave de Dieu » δοῦλο θεοῦ75. Dans Barlaam, Joasaph tient le même langage à celui qu’il s’est choisi pour successeur, Barachias, afin de l’inviter à pratiquer la charité Tels nous sommes disposés à l’égard de nos compagnons d’esclavage υνδούλοι, lui dit-il, tel nous trouverons le Seigneur disposé à notre égard »76. Le Pseudo-Basile déclare avec plus d’insistance 77 Pseudo-Basile I, Parenesis, ch. 14 Περὶ απεινοφρούνη, col. XXVIII C. Tu veux te rendre Dieu favorable ? Montre-toi favorable à tes sujets, toi aussi. Car même si tu leur as été désigné pour maître, tu n’en es pas moins leur compagnon d’esclavage ύνδουλο. Nous, les hommes, possédons tous en effet un seul et unique maître universel… Souviens-toi de tes fautes envers Dieu, et tu oublieras les fautes que ton prochain a commises envers toi77. Mais, de tous nos auteurs, sans doute est-ce l’empereur Manuel II qui, dans ses Praecepta, a donné au motif du βαιλεὺ ύνδουλο l’expression la plus vigoureuse. Il rappelle à son fils 78 Manuel II, Praecepta, ch. 7. Dieu te prodiguera ses bienfaits, si tu sais que tu lui dois le sceptre, si tu es bien conscient que tu es son esclave δοῦλον, et te réjouis de cette servitude δουλείᾳ plus que de régner sur autrui ; sache que tu es esclave de Dieu bien plus que n’est esclave chez toi n’importe quel homme acheté à prix d’argent… Et même, excepté pour l’apparence extérieure, cet homme acheté à prix d’argent est ton compagnon d’esclavage ύνδουλο, ton frère, ton égal, en raison de votre commune nature tirée de la terre78. 79 Théophylacte Simokattès, Historiae, 3, 11, 9. 80 Théognostos, Thesaurus, § 4 et 14 cf. Matthieu, 19, 23. 25Comme le Memento mori, le motif de l’empereur-esclave de Dieu possède une fonction prophylactique il sert à protéger le souverain du péril de l’hybris, en lui rappelant notamment qu’il sera, comme tout un chacun, soumis au jugement de Dieu. Théophylacte Simokattès fait tenir à l’empereur Justin, à l’intention de Tibère, qu’il s’apprête à associer au pouvoir, un discours où il avoue avoir, dans l’exercice de la royauté, commis des fautes dont il devra rendre compte devant le tribunal du Christ »79. Théognostos, dans son Thesaurus, rappelle au destinataire de son miroir des princes intégré » qu’il doit redouter le seul roi véritable, grand et sans successeur » et ne pas oublier que, si les riches entreront difficilement au royaume des cieux », la chose sera plus malaisée encore pour le roi qui ne gouvernerait pas comme il plaît à Dieu » ; il doit songer qu’à l’heure du départ, il n’emportera avec lui aucune de ses richesses, mais ses seuls actes Car c’est nu que tout mortel vient au jour, et il s’en ira, nu, dans l’au-delà »80. Une nouvelle vertu princière l’humilité 81 Eusèbe, Louanges de Constantin, 18, 3 Maraval 2001 Tu pourrais nous exposer en dé ... 82 Théognostos, Thesaurus, § 1 ἐν γὰρ ῇ͂ χειρὶ ούου ἡ ὴ καρδία. 83 Prov. 21, 1 d’Hamonville 2000. Dagron 1968, 150-153, signale trois référe ... 84 Antoine Melissa, Loci communes, II, 1, col. 1000 D. 26S’il est comptable devant Dieu des fautes qu’il peut être amené à commettre, l’empereur doit en revanche attribuer au Tout-Puissant le mérite de ses succès, puisque, comme Eusèbe l’exposait déjà dans ses Louanges de Constantin, Dieu œuvre à ses côtés pour lui assurer la victoire81. Théognostos débute ses conseils au prince en lui rappelant que son cœur est entre les mains de Dieu82 – citation tronquée des Proverbes, où il est écrit Comme un jaillissement d’eau, ainsi le cœur du roi dans la main de Dieu ; où qu’il veuille le faire tendre, c’est là qu’il incline »83. La formule était chère aux Byzantins, comme l’atteste sa présence récurrente dans les florilèges spirituels ; dans les Loci communes d’Antoine Melissa, elle figure à deux reprises dans le chapitre Sur le bon roi », assortie, à la première occurrence, du commentaire Ce n’est pas la force des armes, mais l’aide de Dieu qui assure le salut du roi »84. 27Cette conviction s’exprime en bien des passages de nos miroirs des princes. Photius rappelle à Michel de Bulgarie 85 Photius, Lettre à Michel de Bulgarie, l. 1165-1169. Tous les succès que tu remportes, que ce soit dans ta vie privée ou pour l’intérêt commun de l’État, juge bon d’en attribuer à Dieu la responsabilité tu te le rendras ainsi plus secourable, tu passeras pour un ami de Dieu θεοφιλή, tu ne t’entendras pas reprocher d’être léger et fanfaron κοῦφον καὶ ἀλαζονικόν et tu verras brisés les aiguillons de la jalousie85. 86 Pseudo-Basile I, Parenesis, ch. 65 Περὶ οῦ μὴ ἐπαίρεθαι, col. LIII D – LVI A. Sur l ... 87 Manuel II, Praecepta, § 13 et 42. Le Pseudo-Basile consacre tout un chapitre à expliquer qu’il ne faut pas se glorifier » Ne considère aucun des succès que tu as obtenus comme absolument tiens », dit-il, et consacre à Dieu seul, avec reconnaissance, »86. Manuel II donne à son fils le même conseil Aucun bien, lui rappelle-t-il, n’advient sans la volonté de Dieu » ; si nous sommes dépourvus de son aide, gardes du corps, citadelle, troupe nombreuse et savantes machines deviennent inutiles »87. 88 Théophylacte Simokattès, Historiae, 1, 1, 6 et 16-18. La formule ὑψηλόν καὶ μεέρον es ... 89 Agapet, Ekthesis, ch. 14. 90 Barlaam, ch. 36, § 332. 91 Barlaam, ch. 33, § 306. 92 Photius, Lettre à Michel de Bulgarie, l. 1197. 93 Alexis Ier Comnène, Les Muses, I, 408-413. 28Dans nos miroirs des princes, l’orgueil apparaît donc comme le danger majeur, et l’humilité comme la vertu la plus souhaitable du bon dirigeant. Évoquant les mises en garde de l’empereur Tibère à son successeur Maurice, Théophylacte Simokattès nous le montre rétrospectivement effrayé de l’étendue de son pouvoir Là où il y a excès de puissance, dit-il, il est naturel que s’ensuivent aussi des fautes plus nombreuses » ; la royauté est chose hautaine et altière » ὑψηλόν ι χρῆμα καὶ μεέρον, elle exalte qui la détient et incite à l’arrogance ; pour ne pas céder à cette tentation, il convient de considérer la pourpre comme une humble guenille » εὐέλε ι ῥάκο et le pouvoir comme un brillant esclavage » δουλείαν ἔνδοξον88. Si le souverain sait purifier son esprit des illusions humaines et considérer la nullité de sa propre nature, la brièveté et la fugacité de l’existence ici-bas et la souillure liée à la chair, il ne tombera pas dans le gouffre de l’orgueil » ῆ ὑπερηφανία κρημνόν, déclare Agapet89 – formule que l’auteur de Barlaam a textuellement reproduite dans le discours où Joasaph engage son successeur, Barachias, à ne pas se laisser entraîner par la gloire éphémère » à éprouver un vain orgueil » μάαιον φύημα90. Joasaph lui-même, pendant la courte durée de son règne, a d’ailleurs donné l’exemple d’une parfaite modestie, en s’employant à susciter crainte et respect moins en raison de la majesté du pouvoir et de la magnificence de la royauté » ἀπὸ οῦ͂ ὄγκου ῆ ἐξουία καὶ ῆ βαιλικῆ μεγαλοπρεπεία que pour son humilité et sa douceur » ἀπὸ ῆ απεινοφρούνη καὶ πραόηο91. Photius, usant d’une formulation volontairement paradoxale, souhaite que Michel de Bulgarie l’emporte sur la présomption et soit vaincu par l’humilité » οἰήε μείζν, απεινοφρούνη ἐλαούμενο92, et Alexis Ier rappelle à son fils que c’est uniquement en attachant peu de prix à la majesté du trône et du pouvoir » ὸν ὄ̓γκον οῦ θρόνου καὶ οῦ͂ κράου qu’il pourra faire partie des heureux » et passer pour grand aux yeux du Seigneur93. 94 Or. 19 ̓Επὶ ῇ͂ φιλανθρπίᾳ οῦ αὐοκράορο Θεοδοίου, 226 d – 227 a. 95 Sur cette évolution sémantique du terme πραύη, voir Spicq 1947, 324-332. 29La présence de la απεινοφρούνη au nombre des vertus exigées du bon prince constitue une innovation spécifiquement chrétienne. Le terme n’apparaît jamais dans les miroirs des princes anciens, où l’accent est mis sur la justice, la tempérance φρούνη, la clémence ou la bonté. Dans les nombreux discours que Thémistios composa, entre 350 et 386, à l’adresse des empereurs Constance II, Jovien, Valens et Théodose, c’est la philanthropie » qui passe pour la vertu royale par excellence elle est, dit-il, à l’origine de toutes les autres qualités, douceur, justice, piété, et c’est elle seule qui permet au roi de s’assimiler à Dieu θε͂ͅ ὁμοιοῦθαι94. Il semble néanmoins que la mise en valeur de vertus comme la douceur ἡμερόη, πραόη ou la juste mesure μεριόη ait frayé la voie à l’exaltation chrétienne de la απεινοφρούνη. C’est d’ailleurs, dans la Septante, le terme πραύη qui, pourvu d’une signification nouvelle, sert bien souvent à évoquer humilité et modestie95 – qualités spécifiques du serviteur de Dieu, habitué à s’abaisser devant le Très-Haut. 96 Isocrate figure parmi les sources mentionnées dans le prologue des Praecepta, et il est ... 97 Souvenir possible de Jean Chrysostome pour qui le diptyque du Pharisien et du Publicain ... 30Peut-être est-ce sous l’influence de ses modèles antiques que Manuel II, dans ses Praecepta, prône avec tant d’insistance la μεριόη admirateur d’Isocrate, qui, dans son discours À Nicoclès, exhortait le prince de Chypre à ne nourrir que des désirs modérés § 26 μερίν ἐπιθυμῇ, l’empereur byzantin paraît vouloir imiter l’orateur96, en adjoignant la μεριόη aux quatre vertus cardinales de justice, courage, tempérance et sagesse ch. 73 ; mais la juste mesure antique se confond visiblement dans son esprit avec l’humilité chrétienne Garder la mesure μεριάζειν quand on a obtenu de grands succès, dit-il, c’est dresser un double trophée » qui, au bénéfice du succès lui-même, adjoint le profit que l’on recueille à n’en pas tirer gloire, car l’orgueil est ennemi de Dieu » ch. 77 ; il faut se concilier le Créateur en accomplissant de bonnes actions, mais sans en éprouver de vanité, à la différence du Pharisien qui, tout en pratiquant la vertu, n’avait pas appris la juste mesure » μεριάζειν agir comme celui-ci serait perdre à la légère le bénéfice de ses efforts ch. 9997. 98 Blemmydès a apparemment confondu ce personnage avec Bellérophon ; la paraph ... 99 Lycaon, pour mettre Zeus à l’épreuve, lui fit servir de la chair humaine, et le dieu le ... 100 Ici encore, la paraphrase est plus précise et condamne explicitement Salmonée en évoqua ... 101 Il s’agit du feu de l’ἀυφία et de la απείνι », explique la paraphrase. 102 Cf. Dion Chrysostome, Or. 1, 46 celui qui se montre irrespectueux envers la divinité ... 103 Blemmydès emploie le terme μεριοφρονν, que la paraphrase transpose, dans le registre ... 104 Dans la paraphrase, le motif figure très explicitement, en commentaire à la formule ala ... 31Dans son Basilikos Andrias, Nicéphore Blemmydès a pour sa part utilisé une série d’exemples mythologiques, pour illustrer une leçon fondamentalement chrétienne ch. 95-102. Voulant mettre son élève en garde contre les méfaits de l’orgueil, il lui cite successivement le Corinthien Hipponoos qui, s’étant élancé vers le ciel, monté sur Pégase, fut précipité au sol la tête la première98 ; puis Icare qui, submergé par l’océan de la folle présomption » ῆ ἀαθαλία, perdit ses ailes, pour avoir cherché, contre toute mesure » πέρα οῦ μέρου, à toucher les rayons du soleil ; puis les Lycaonides foudroyés – à cause de leur vain orgueil » διὰ ὸν μάαιον ῦφον αὐν, précise la paraphrase de Galasiotès99 ; puis Salmonée qui, pour s’être essayé à imiter Zeus, fut lui aussi frappé de la foudre100 ; et, pour finir, les Aloades Éphialtès et Otos qui, ayant voulu, en élevant l’Ossa sur l’Olympe, et le Pélion sur l’Ossa, se hausser jusqu’au ciel, furent précipités à terre. De ces exemples, Blemmydès conclut qu’il faut bannir la superbe ὸ μεέρον φρόνημα, source de catastrophes, et lui préférer la juste mesure ὸ μέριον et, puisant à nouveau dans le répertoire mythologique, il invite le bon roi à imiter Persée combattant la Gorgone ou Héraclès terrassant l’hydre – images de la lutte que la raison doit mener contre les passions, une lutte dont l’arme est le feu de l’esprit mesuré et dénué d’orgueil » ὸ μεριόφρον καὶ ἄυφον καὶ πῦ͂ρ101 – véhicule vraiment royal qui, loin de précipiter à terre son passager, comme il arriva jadis à Phaéthon, peut seul lui permettre de s’élever sans danger jusqu’au ciel. Si, dans tout ce passage, l’imagerie est exclusivement païenne et si, parmi les exemples invoqués, plusieurs Icare ou Phaéthon avaient déjà été utilisés par des auteurs antiques Dion Chrysostome, Lucien ou Julien pour stigmatiser l’esprit de démesure, et notamment l’hybris des princes102, la conclusion à laquelle aboutit ce développement truffé de références mythologiques est indubitablement chrétienne Un roi, s’il possède, en plus des autres vertus royales, un esprit mesuré »103, évoque très exactement celui qui, après être monté aux cieux, en est redescendu à prendre la forme d’un esclave », autrement dit le Christ, roi de gloire ». Le traité de Blemmydès nous offre ainsi un exemple, littéraire, du motif de la mimesis Christou104, dont nous avions rencontré précédemment la version rituelle à travers la cérémonie du lavement des pieds. Les leçons politiques de la Bible 105 Cf. Dagron 1996, 20-21 Le passage au christianisme a autant modifié les données de la ... 106 Pour le Moyen Âge occidental, voir Reydellet 1985 ; pour Byzance, Dagron 1996, ... 32Les miroirs des princes byzantins illustrent donc, indubitablement, la christianisation de l’institution monarchique105. Leur tonalité nouvelle reflète l’influence profonde exercée sur la réflexion politique des Byzantins par le texte de la Bible, lue, au Moyen Âge, comme un miroir des princes106 on trouve en effet dans les Écritures, d’une part, les éléments d’une théorie du pouvoir monarchique, et d’autre part, un répertoire de situations, d’épisodes, de personnages que les Byzantins ont érigés en archétypes modèles et contre-modèles à l’aune desquels ils pouvaient interpréter les événements du présent. Modèles 107 Exode, 18, 21 Dogniez et al. 2001 ἄνδρα δικαίου μιοῦνα ὑπερηφανίαν. 108 Deut., 17, 20 Dogniez et al. 2001 ἵνα μὴ ὑψθῇ͂ ἡ καρδία αὐοῦ ἀπὸ ν ἀδελφν αὐο ... 109 Cf. Lév., 29, 19 ὴν ὕβριν ῆ ὑπερηφανία ; Esther, 4, 17 d οὐκ ἐν ὕβρει οὐδὲ ἐν ... 110 Prov., 16, 5 ; 3, 34 d’Hamonville 2000. 111 Jacques, 4, 6 et 1 Pierre, 5, 5. 112 Cf. Évagre, Schol. Prov. 39 Géhin 1987 Le Seigneur résiste aux orguei ... 113 On rencontre ce verset, à trois reprises, dans les chapitres consacrés par Antoine ... 114 Lettre d’Aristée à Philocrate, § 262 Pelletier 1962. 33Dans le Pentateuque sont exprimées, à propos des chefs du peuple d’Israël les juges », des exigences qui ont indéniablement contribué à nourrir l’idéal politique des Byzantins on peut lire dans l’Exode que les juges » devront être des hommes justes qui haïssent l’arrogance »107, et dans le Deutéronome que le chef devra lire tous les jours de sa vie » les commandements du Seigneur, afin que son cœur ne s’élève pas au-dessus de ses frères »108. Les prescriptions énoncées dans les Proverbes sont d’un intérêt tout particulier, puisque la traduction de ce livre en grec a été réalisée, aux environs de 175 avant par un personnage, Aristobule, qui était le précepteur de Ptolémée VI, et qui, semble-t-il, effectua ce travail à l’intention du jeune prince, pour parfaire son éducation politique les Proverbes LXX étaient donc, dès l’origine, un livre de pédagogie royale. C’est dans ce recueil que l’on rencontre la formule Comme un jaillissement d’eau, ainsi le cœur du roi dans la main de Dieu… » 21, 1 – formule citée, nous l’avons vu, dans le Thesaurus de Théognostos. Les mises en garde abondent, dans les Proverbes, contre l’ὑπερηφανία, régulièrement associée à l’hybris dans le texte de la Septante109 l’auteur qualifie d’ impur pour Dieu tout cœur altier » ὑψηλοκάρδιο et rappelle que le Seigneur résiste aux orgueilleux » ὑπερηφάνοι, tandis qu’ aux humbles απεινοῖ il donne sa grâce »110 – verset d’autant plus familier aux Byzantins qu’il est cité, à deux reprises, dans le Nouveau Testament, par Jacques et Pierre111, et qu’il fit l’objet de nombreux commentaires patristiques112 et de multiples références dans les florilèges spirituels113. Son utilisation politique est attestée, dès l’époque hellénistique, dans la Lettre d’Aristée à Philocrate, texte composé au IIe siècle avant en milieu judéo-alexandrin, pour retracer l’histoire de la traduction de la Bible en grec, à l’initiative de Ptolémée II Philadelphe la série de banquets offerts par le souverain aux soixante-douze traducteurs nouvellement arrivés de Jérusalem y fournit le cadre d’un petit traité Περὶ βαιλεία, présenté sous forme de questions-réponses échangées par le roi et les sages juifs § 187-293 ; le roi ayant demandé au 51e traducteur ce qu’il devait faire pour ne pas céder à l’orgueil ὑπερηφανία, le sage lui répond qu’il y parviendra en gardant l’égalité et en se rappelant devant chacun qu’il reste homme, tout chef qu’il est. Car Dieu fait périr les orgueilleux, tandis qu’il élève les doux et les humbles »114. Comme le livre des Proverbes, le Siracide est riche en mises en garde contre l’orgueil, dont beaucoup sont explicitement adressées aux puissants Plus tu es grand, plus il faut t’humilier et devant le Seigneur tu trouveras grâce 3, 18 ; Le Seigneur a culbuté les trônes des princes, il a établi les doux πραεῖ à leur place 10, 14 ; 115 Trad. œcuménique 2004. Au jour de ta gloire ne t’élève pas μὴ ἐπαίρου… Bien des tyrans se sont assis par terre… Bien des princes ont été complètement déshonorés et des hommes célèbres livrés à la merci d’autrui 11, 4-6115. 116 Nombres, 12, 3 Dogniez et al. 2001. S’appliquant à montrer qu’aucune vert ... 117 Cf. 2 Regn. 6 ; 12 ; 16. L’épisode de David et Abishaï est souvent cité dan ... 34À ces recommandations théoriques, fournies par la Bible, s’ajoutent des exemples concrets, offerts à l’imitation des princes. Dans le Pentateuque, figure un portrait de Moïse appelé à devenir un point de référence obligé dans la définition du bon prince L’homme qu’était Moïse était extrêmement doux πραὺ φόδρα en comparaison de tous les hommes de la terre »116. Dans les Livres historiques, c’est David qui apparaît comme le modèle privilégié, parce qu’il a su mettre l’honneur de Dieu au-dessus de l’étiquette royale en dansant devant l’arche, parce qu’il n’a pas hésité à reconnaître ses fautes et à s’humilier devant Dieu, parce qu’il a supporté sans colère les malédictions d’Abishaï117. La prière qu’il formule, au moment d’accorder l’investiture à son fils et successeur Salomon, prière en forme de testament spirituel, peut être considérée comme le prototype de tous les miroirs des princes byzantins, tant le roi d’Israël y exprime avec clarté la dépendance essentielle dans laquelle le pouvoir humain se trouve par rapport à Dieu 118 1 Par. 29, 11-17 οί, κύριε, ἡ μεγαλύνη καὶ ἡ δύναμι καὶ ὸ καύχημα καὶ ἡ νίκη ... À toi, Seigneur, la grandeur, la puissance, la fierté, la victoire et la force, parce que c’est toi le maître de tout ce qui existe dans le ciel et sur terre et que devant ta face, tout monarque et tout peuple se troublent. De toi viennent la richesse et la gloire, et c’est toi qui domines tout, Seigneur qui es au fondement de toute domination. Dans ta main sont la force et la puissance ; dans ta main, Tout-Puissant, le pouvoir de grandir et d’affermir toutes choses… Qui suis-je ?… Tout t’appartient… Nous sommes des étrangers devant toi… Nos jours sur la terre sont comme l’ombre… J’ai compris, Seigneur, que tu es celui qui sonde les cœurs et chéris la justice118. 119 Matthieu, 11, 29 Osty & Trinquet 1974. Dans le chapitre qu’Antoine Melissa consacre à ... 120 Marc, 9, 35 Osty & Trinquet 1974. Dans la cinquième de ses Catéchèses l. 610 sq., S ... 121 Ambroise, Apologie de David, 81 Cordier 1977. 35Sans doute le Nouveau Testament est-il moins riche en enseignements directement adressés aux princes, bien que le Christ puisse, lui aussi, être considéré comme une figure royale – en témoigne, notamment, l’épisode de l’entrée à Jérusalem, où il figure en triomphateur, mais un triomphateur plein de mansuétude, à l’opposé des princes païens régnant par la violence, puisqu’il se proclame doux et humble de cœur »119 et fait résider la grandeur dans l’humiliation volontaire, et la force dans le fait, non d’infliger l’outrage, mais de s’y exposer, invitant ainsi qui veut être le premier à être le dernier de tous et le serviteur de tous »120. Pour reprendre les mots de saint Ambroise, qui voit en lui le vrai David, vraiment humble et doux, premier et dernier », le Christ-Roi est venu comme maître d’humilité, apprendre aux orgueilleux et à ceux qui étaient gonflés par l’enflure de leur cœur qu’il faut passer de ces dispositions à la douceur et à l’humilité »121. … Et contre-exemples 122 2 Par. 26, 16-19. 123 4 Regn. 19, 28. 124 2 Macc. 9, 8-12 trad. œcuménique 2004. Sort prédit par Mattathias, en 1 M ... 36Si la Bible offre aux princes d’admirables modèles de comportement, elle est plus riche encore en figures repoussoirs, offertes à leur détestation. On trouve ainsi dans les Livres historiques Règnes et Paralipomènes une série de mauvais dirigeants dont le vice majeur est presque toujours l’arrogance – arrogance qui les conduit à surestimer leurs forces et à se rendre ainsi coupables d’impiété. Tel est le cas d’Ozias, le dixième roi de Judas 781-740, que Dieu frappe de la lèpre, parce qu’ en raison de sa puissance, son cœur s’est exalté pour sa perte » et qu’il a osé empiéter sur les prérogatives des prêtres122. Par son orgueil, le roi d’Assyrie Sennachérib 705-681 s’attire lui aussi la colère du Tout-Puissant, qui lui adresse ces réprimandes Parce que tu t’es irrité contre moi et que ton insolence ρῆνο est montée à mes oreilles, je mettrai un anneau à tes narines et un mors à tes lèvres ! »123. Dans les livres des Maccabées, c’est Antiochos IV Épiphane 175-164 qui est décrit comme un fils d’arrogance », lui qui croyait, dans sa jactance surhumaine διὰ ὴν ὑπὲρ ἄνθρπον ἀλαζονείαν, pouvoir commander aux vagues de la mer et s’imaginait peser dans la balance la hauteur des montagnes » frappé par Dieu d’une maladie qui réduit sa chair en pourriture απρίαν, celui qui naguère pensait toucher aux astres du ciel » devient pour tous un objet d’horreur et, brisé par le fouet divin », finit, dépouillant son excès d’orgueil ὸ πολὺ ῆ ὑπερηφανία, par confesser Il est juste de se soumettre à Dieu et, simple mortel, de renoncer à s’égaler à la divinité »124. 37Mais c’est chez les Prophètes que l’on trouve les plus virulentes attaques contre l’arrogance des puissants. Le jour de Yahvé », dont Isaïe annonce la venue, est un jour où la hauteur des hommes sera abaissée et le Seigneur seul exalté », jour dirigé 125 Isaïe, 2, 11-17 καὶ απεινθήεαι ὸ ὕψο ν ἀνθρώπν, καὶ ὑψθήεαι κύριο μόνο ... contre tous les êtres insolents et orgueilleux, tous les êtres hautains et altiers, qui seront abaissés, contre tous les cèdres du Liban, hautains et altiers, contre tous les chênes de Bashan, contre toutes les montagnes, toutes les collines hautaines, contre toutes les tours hautaines, toutes les murailles hautaines, contre tous les vaisseaux de la mer, tous les bateaux de somptueuse apparence125. 126 Isaïe, 10, 12-15. Le roi en question pourrait être Sargon II 721-705, prédécesseur et ... Les foudres du prophète sont plus particulièrement dirigées contre les souverains étrangers et leurs prétentions insensées Est-ce que la cognée se glorifiera aux dépens de celui qui s’en sert pour tailler ? », ironise-t-il à propos du roi d’Assyrie, trop fier de sa force, de sa sagesse, de son intelligence126. En un autre passage, il s’en prend au roi de Babylone qui a, dit-il, poussé l’insolence jusqu’à prétendre rivaliser avec Dieu, et se vantait en ces termes 127 Isaïe, 14, 13-14 Εἰ ὸν οὐρανὸν ἀναβήομαι, ἐπάν ν ἄρν οῦ οὐρανοῦ θή ὸν θρ ... Je monterai dans les cieux, je hausserai mon trône au-dessus des étoiles du ciel, je siégerai sur une haute montagne, parmi les hautes montagnes du nord, je monterai au-dessus des nuages, je serai pareil au Très-Haut127. 128 Sur ce passage, voir Grelot 1956 qui renvoie à Gordon 1949, 44 texte 49 ... 129 Isaïe, 14, 11-12 et 15. 130 Ézéchiel, 17, 24 ἐγὼ κύριο ὁ απεινν ξύλον ὑψηλὸν καὶ ὑψν ξύλον απεινόν. Formule ... 131 Ézéchiel, 28, 2. Pour tracer ce portrait de monarque en proie à l’hybris, le poète biblique s’est, semble-t-il, inspiré d’un vieux mythe ougaritique racontant la tentative d’usurpation d’ Attar l’arrogant » qui, ayant voulu s’asseoir sur le trône du dieu El dieu suprême du panthéon ougaritique et régner sur les sommets de Saphôn », fut précipité du haut du ciel128 – tout comme, dans le texte d’Isaïe, le roi de Babylone, Astre Brillant, Fils de l’Aurore », est rejeté par la mort depuis les sommets jusqu’ au plus profond de la terre », où la vermine doit lui servir de matelas et les vers de couverture129. Aux portraits de ces deux monarques mésopotamiens font écho, chez Ézéchiel, auteur de la formule fameuse Je suis le Seigneur qui abaisse l’arbre élevé, qui élève l’arbre abaissé »130, les portraits du prince de Tyr et de Pharaon ; Dieu abandonne le premier à l’assaut des étrangers, parce que, dans sa superbe, il a mis son cœur au rang du cœur de Dieu et déclaré Je suis un Dieu, j’habite une demeure de dieu au cœur de la mer »131 ; quant à Pharaon, il est livré aux mains des chefs des nations » pour avoir élevé sa taille et porté son pouvoir au milieu des nuées, et son châtiment est explicitement destiné à servir d’exemple aux puissants, 132 Ézéchiel, 31, 10-14. afin qu’aucun arbre bien arrosé ne s’élève en hauteur…, car tous ils sont livrés à la mort, dans la profondeur de la terre, au milieu des fils d’hommes, auprès de ceux qui descendent dans la fosse132. 133 Daniel, 4, 10 sq. καὶ ἰδοὺ δένδρον ἐν μέ ῆ γῆ, καὶ ὸ ὕψο αὐοῦ πολύ ; 4, 17 ... On citera enfin un dernier portrait de monarque à l’ambition sans mesure, dans le livre de Daniel, où Nabuchodonosor le personnage est ici nommément désigné se trouve comparé à un arbre d’une hauteur immense, que le Seigneur abat afin que les vivants reconnaissent que le Très-Haut est maître de la royauté des hommes, qu’il la donnera à qui il voudra et y élèvera le plus inexistant des hommes »133. Interprétation typologique de l’histoire byzantine 134 Voir Pseudo-Maxime, Loci communes, ch. 9 et 34 Περὶ ἀρχῆ καὶ ἐξουία ; ch. 42 Περὶ ... 135 Dagron 1996, 70. 38On comprend que les Byzantins, nourris de ces références bibliques, dont la diffusion était favorisée par les florilèges où les textes précédemment cités figurent sous forme d’extraits dans les chapitres consacrés à l’exercice du pouvoir, aux vertus d’humilité et de douceur » ou au péché d’orgueil134, aient vu dans les grandes figures de la Bible des normes de l’action politique – et plus particulièrement dans les figures de l’Ancien Testament qui, comme le souligne Gilbert Dagron, avait à Byzance une valeur constitutionnelle et possédait la même autorité dans le domaine politique que le Nouveau Testament dans le domaine moral135. C’est donc à l’aune des modèles et antimodèles vétéro-testamentaires que les Byzantins évaluent leur propre histoire, en sorte que tout basileus digne de ce nom passe systématiquement pour un nouveau David », tandis qu’aux ennemis de l’Empire, intérieurs ou extérieurs, est attribué l’orgueil qui, dans le texte biblique, est une caractéristique majeure du mauvais prince. 136 Voir Dulaey 1999. L’ arrogance » γαυρίαμα de Goliath est explicitement mentionnée da ... 137 Augustin, Enarr. in Ps. 33, 1, 4 Dekkers & Fraipont 1956, 276 Humilitas occidit s ... 138 Constantin Porphyrogénète, Cér. 1, 82 Vogt 1939, 167 course hippique de ... 139 Constantin Porphyrogénète, Cér. 1, 78 Vogt 1939, 136. 39Les Pères de l’Église avaient vu dans le premier exploit de David, sa victoire sur le géant Goliath, un symbole du triomphe de l’homme humble sur l’arrogant136 L’humilité a tué l’orgueil », dit Augustin137. Cette victoire, inaugurale, de l’humilité sur l’orgueil fournit le schéma bipolaire en fonction duquel seront interprétés tous les affrontements du présent – schéma auquel se conforment même les acclamations reproduites dans le Livre des Cérémonies, puisqu’elles placent le basileus sous le patronage daviditique de la πραόη et vouent l’adversaire au gouffre de l’orgueil. À l’empereur vont les bénédictions de la foule Votre Ville, refleurissant, un tel, Autokrator, prie, comme elle le doit, en voyant votre douceur πραόηα. Elle vous appelle un autre David »138 ; à l’ennemi sont réservées des imprécations de ce genre Gloire à Dieu qui a jeté dans la honte l’arrogance ὸ φρύαγμα d’un tel, l’ennemi du Christ Χριομάχου »139. 140 Le titre du discours est, à soi seul, tout un programme De l’attaque insensée des A ... 40On pourrait citer, chez les historiens byzantins, beaucoup d’exemples du même scénario manichéen, où c’est précisément la démesure qui trace la ligne de partage entre les bons et les méchants. Je me contenterai de trois exemples empruntés à trois époques différentes de l’histoire de Byzance. Le premier figure chez Théodore le Syncelle, dans un discours prononcé le 7 août 627 pour célébrer la victoire de l’empereur Héraclius sur les Avares, qui assiégeaient Constantinople140 le Khagan des Avares y est dépeint comme un homme orgueilleux et vantard » § 11 ὑπερόπην καὶ ἀλαζόνα, un second Salmonée » personnage cité, rappelons-le, dans le Basilikos Andrias de Blemmydès, pour illustrer les dangers de l’orgueil ; cet infâme tyran », qui se faisait fort de prendre la ville et de la dépeupler tout entière § 21, a été vaincu par un empereur dont la piété εὐεβείᾳ et la douceur πραόηι font un autre David, et qu’ à l’exemple de David » le Seigneur orne de victoires » § 52. 41Chez l’historienne Anne Comnène qui, dans son Alexiade, nous raconte les démêlés de son père Alexis Ier Comnène avec les Croisés, l’opposition entre orgueil et humilité sous-tend la majorité des portraits des princes occidentaux et du basileus. De la démesure congénitale » des chefs croisés, le Normand Tancrède offre un plaisant exemple s’étant rendu maître d’Antioche, 141 Anne Comnène, Alexiade, 14, 2, 4 Leib 1946. La formule fardeau de la terre » ἄχθο ... ce barbare furieux et dément…, gonflé de vanité ἀλαζονεία, se vanta de placer son trône au-dessus des étoiles, menaça de percer avec la pointe de sa lance les remparts de Babylone, parla avec assurance et grandiloquence de sa puissance, disant qu’il était aussi intrépide qu’irrésistible dans son attaque, et affirma que, quoi qu’il arrivât, il ne rendrait pas Antioche, même si les soldats qui devaient le combattre avaient des mains de feu lui était Ninos, le grand Assyrien, tel un grand géant à qui il est impossible de résister, toujours debout sur le sol comme un fardeau de la terre », tandis que les Romains n’étaient tous, à son avis, que des fourmis et les plus chétifs des vivants141. L’humilité du basileus Alexis, en revanche, ne se dément jamais, depuis son avènement jusqu’à sa dernière heure. Le fait même qu’il soit arrivé au pouvoir à la suite d’un coup d’État est, pour Anne Comnène, prétexte à mettre en valeur la pénitence publique de l’empereur, qui d’emblée s’identifie ainsi à David pécheur et repentant 142 Anne Comnène, Alexiade, 3, 5, 1 Leib 1937. L’invite au repentir s’imposait au basileu ... Être irrépréhensible conduit parfois au fol orgueil ἀπόνοιαν celui qui n’a jamais achoppé contre quoi que ce soit. Quant au pécheur, pourvu qu’il soit de ceux qui sont pieux et réfléchis, il sent aussitôt son âme envahie par la crainte de Dieu ; il est tout bouleversé, il a peur, et cela d’autant plus qu’il a entrepris de grandes choses et qu’il est monté au faîte des honneurs. Car il est effrayé par la crainte de tourner contre lui la colère de Dieu en agissant avec ignorance, témérité et insolence ἀμαθίᾳ καὶ θράει καὶ ὕβρει et de perdre, après avoir été précipité du pouvoir, ce qu’il a tenu jusque-là. C’est aussi bien ce qui arriva à Saül Dieu, à cause de la folle présomption ὸ ἀάθαλον de ce roi, brisa son empire en deux142. Si Alexis a l’humilité de David, il a aussi la patience du Christ, et notre historienne n’hésite pas à le comparer très explicitement au Sauveur crucifié – déplorant l’ingratitude dont son père fut trop souvent payé, 143 Anne Comnène, Alexiade, 14, 3, 6 Leib 1946. On notera comment la geste de Moïse est p ... comme jadis l’avait été également le bienfaiteur du genre humain, le Seigneur, qui fit pleuvoir la manne dans le désert, qui rassasia les foules sur les montagnes, qui fit passer la mer à pied sec, et qui après cela fut renié, insulté ὑβριζόμενο, frappé, pour être finalement condamné à la croix par des impies143. 144 Michel Choniatès, Or. 14 Lampros 1879, 246. 42Chez Michel Choniatès, c’est le rebelle byzantin Alexis Branas qui, dans un discours d’éloge adressé à l’empereur Isaac II Ange 1185-1195, est comparé à Absalom pour s’être soulevé contre le souverain légitime, notre David », ce doux fleuve de paix », qui sut garder sa sérénité face à l’adversaire, parce qu’il avait confiance en Dieu et possédait la douceur de David » ; la tentative d’usurpation de Branas est assimilée à un acte de démesure il a désiré inconsidérément ce qui n’était pas fait pour lui » ν οὐ προηκόνν et, nouveau Salmonée », s’est voué à une mort misérable du fait de son orgueilleuse exaltation » οῦ ὑπερηφάνου μεεριμοῦ144. L’accusation de démesure arme polémique 43L’accusation de démesure est donc utilisée par les écrivains byzantins comme une arme polémique, pour mieux stigmatiser l’adversaire. Les invectives de Grégoire de Nazianze contre Julien nous offrent une illustration du procédé, puisqu’on y voit l’auteur chrétien comparer, dans sa première invective, l’empereur apostat aux princes orgueilleux de l’Ancien Testament, Nabuchodonosor ou Antiochos Épiphane, et flétrir son arrogance, en s’appuyant sur l’enseignement des Écritures 145 Grégoire de Nazianze, Or. 4, 32 Bernardi 1983 cf. Prov. 16, 18 et 3, 34. Pour une é ... L’arrogance marche devant la ruine, disent justement les Proverbes… Car le Seigneur s’oppose aux orgueilleux, mais il donne sa grâce aux humbles… C’est parce qu’il savait cela que David, sous l’inspiration divine, met au nombre des avantages qu’il a reçus le fait d’avoir été abaissé145. 146 Grégoire de Nazianze, Or. 5, 8 Bernardi 1983 Mais lui, excité et aiguillonné par ... Dans la seconde invective, vient se superposer aux références vétéro-testamentaires une allusion mythologique qui nous est, elle aussi, familière Grégoire accuse en effet l’empereur Julien d’avoir agi en nouveau Salmonée », en se lançant présomptueusement dans une expédition contre les Perses, à l’imitation de Trajan ou d’Hadrien146. 147 Adversus Constantinum Cabalinum, 23 PG, 95, col. 341 texte cité par Dag ... 148 Cf. Attar 2006. 44À l’époque de la querelle iconoclaste, ce sont les empereurs hostiles aux images qui, bien souvent, furent accusés par leurs adversaires iconophiles de céder à la démesure. Gilbert Dagron cite en exemple les Invectives contre Constantin Kaballinos, où Léon III 717-741, partisan de l’iconoclasme, est jugé coupable d’avoir rompu avec la tradition des bons empereurs » par excès d’orgueil, devenant la proie du même Satan qui avait dit à Adam Si tu manges des fruits de cet arbre, tu deviendras Dieu », et qui lui a dit à son tour Le jour où tu aboliras la vénération des images, tu seras heureux et tu surpasseras tous les rois de la terre par l’intelligence et par le nombre des années »147 en partant en guerre contre les images, Léon III a donc réitéré le péché originel – péché dont Jamel Attar a montré, dans son article sur Grégoire de Nazianze, quel lien il entretenait avec l’hybris148. 149 Sur cette affaire, à l’origine de vives tensions entre pouvoir impérial et milieux ... 45Un dernier exemple nous permettra d’observer comment l’accusation de démesure est réversible à volonté. L’épisode incriminé se passe au XIIe siècle, et met aux prises l’empereur Alexis Ier Comnène et l’évêque de Chalcédoine Léon pour essayer de remédier à la pénurie du trésor impérial, Alexis avait ordonné la saisie de biens ecclésiastiques, et l’évêque Léon réagit en l’accusant d’hybris, parce qu’il avait osé faire main basse sur des objets précieux appartenant à l’Église149 ; mais dans la version des événements fournie par Anne Comnène, version bien évidemment destinée à soutenir le bon droit de l’empereur, il est intéressant de constater que l’accusation d’hybris, toujours présente, a changé de camp, et vise désormais l’évêque, dont l’historienne dénonce le comportement plein de morgue 150 Anne Comnène, Alexiade, 5, 2, 4 Leib 1943. Ce fut avec assez d’insolence ὑβριικώερον et, pour ainsi dire, en révolté ἀακόερον, que se conduisit à l’égard du souverain alors régnant, abusant de sa patience ἀνεξικακίᾳ et de sa bonté φιλανθρπίᾳ150. Le renversement opéré par Anne Comnène illustre clairement, me semble-t-il, l’importance accordée par les Byzantins à la question de l’hybris et le poids des grands modèles bibliques dans leur représentation du pouvoir l’ἀνεξικακία est une vertu proprement davidique. Conclusion 151 Barker 1957, 29. 152 Eschyle, Perses, 827-828. 153 Les byzantinistes français, qui travaillaient alors sans relâche, se firent, bon gré ... 154 Bossuet, Politique…, Préface », in Œuvres complètes, IX, 700. 46Le jeu de rôles auquel était soumis, à Byzance, chaque basileus successif possédait une valeur hautement contraignante, et c’est pourquoi l’historien Ernest Barker est en droit d’affirmer que l’empereur byzantin n’exerçait finalement qu’une autocratie limitée »151. Les Grecs du Moyen Âge paraissent, au bout du compte, n’avoir pas été moins hantés que ceux de l’époque classique par le spectre de l’hybris, et le Dieu de la Bible a, pour ainsi dire, pris le relais du Zeus d’Eschyle, ce vengeur des pensées trop présomptueuses », terrible redresseur de comptes »152 ainsi les leçons de l’Écriture Sainte viennent-elles compléter et parfaire celles de la tragédie grecque sur la question de la démesure. De l’utilisation du texte biblique comme parade contre les dérives absolutistes, les Byzantins n’ont évidemment pas eu l’exclusive ; au XVIIe siècle, Bossuet, qui fut le précepteur du fils de Louis XIV – à qui l’Empire grec d’Orient, mis à la mode par l’essor des études byzantines, a servi de modèle politique153 –, adresse au Dauphin, dans sa Politique tirée des propres paroles de l’Écriture Sainte, des mises en garde qui rappellent d’étonnamment près celles des miroirs des princes précédemment évoqués Dieu est le roi des rois »154, dit-il, et si la majesté est l’image de la grandeur de Dieu dans le prince », celui-ci ne doit pas pour autant oublier ce qu’il est ; citant un passage du Psaume 81 – Vous êtes des dieux, et vous êtes tous enfants du Très-Haut ; mais vous mourrez comme des hommes, et vous tomberez comme les grands » –, Bossuet commente en ces termes les versets bibliques 155 Bossuet, Politique…, livre V, Article IV, 1re prop., ibid., 830. Vous êtes des dieux, c’est-à-dire vous avez dans votre autorité, vous portez sur votre front un caractère divin. Vous êtes les enfants du Très-Haut c’est lui qui a établi votre puissance pour le bien du genre humain. Mais, ô dieux de chair et de sang, dieux de boue et de poussière, vous mourrez comme des hommes, et vous tomberez comme les grands. La grandeur sépare les hommes pour peu de temps ; une chute commune à la fin les égale tous. Ô rois, exercez donc hardiment votre puissance ; car elle est divine et salutaire au genre humain ; mais exercez-la avec humilité. Elle vous est appliquée par le dehors. Au fond, elle vous laisse faibles ; elle vous laisse mortels ; elle vous laisse pécheurs, et vous charge devant Dieu d’un plus grand compte155. Haut de page Bibliographie Textes anciens156 Bible Septuaginta id est Vetus Testamentum Graece iuxta LXX interpretes, A. Rahlfs éd., 6e éd., Stuttgart, Privilegierte Württembergische Bibelanstalt, 1935, 2 C. 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Julien cite et commente longuement ce passage de Platon dans l’Épître à Thémistios où, immédiatement après son accession au pouvoir, il exprime ses craintes de n’être pas à la hauteur de ses nouvelles fonctions – l’exercice de la royauté excédant, dit-il, les forces de l’homme Or. 6, 257 d – 259 b. 4 Affirmation similaire dans l’opuscule À un chef mal éduqué, 6 Le vice, dont la course est accélérée par le pouvoir, déchaîne toutes les passions, rendant la colère meurtrière, l’amour adultère, la cupidité spoliatrice ». 5 Dion Chrysostome, Or. 57 Nestor, 6-8 Agamemnon et Achille ont péché par insolence δι ̓ ὕβριν – sentiment auquel les hommes cèdent, exaltés par la gloire ou le pouvoir » δύναμιν ; c’est le pouvoir de la royauté et le fait de diriger à lui seul tous les Grecs » qui a rendu Agamemnon arrogant, l’a fait sombrer dans l’orgueil ύφου et la folie ; Or. 61 Chryséis, 12-13 Agamemnon est exalté par le pouvoir » διὰ ὴν ἀρχὴν ἐπαιρόμενο, il est orgueilleux » ὑπερήφανο et insolent » ὑβριή. 6 Acte II, scène 3, éd. de Paris 1877, 350. Texte présenté par Delouis 2003, 104-105. 7 Cf. Barker 1957, 28-29. Dans la Novelle 105, 2, en affirmant que Dieu a subordonné les lois à la tychê impériale, érigée au rang de loi vivante » νόμον ἔμψυχον, Justinien proclame la supériorité de l’ économie » sur la législation Schoell & Kroll 1954, 507. La novelle 47 de Léon VI 886-911 renforça encore l’autorité de l’empereur, en abolissant les pouvoirs que le Sénat possédait par le passé de nommer des stratèges et autres magistrats, sous prétexte qu’ aujourd’hui, toutes les choses dépendent de la sollicitude de l’empereur ῆ βαιλικῆ φρονίδο et sont, grâce à Dieu, examinées et dirigées par le soin providentiel προνοίᾳ de cette sollicitude » Zachariae von Lingenthal 1931, 116-117. 8 Voir Guilland 1959. 9 Nicétas Choniatès, Historia règne d’Isaac Ier Ange, van Dieten 1975, 366 ἐνημανθένα χειρὶ θεοῦ. 10 Eusèbe de Césarée, Louanges de Constantin, 1, 3 Celui qui est pour nous le grand roi Dieu est véritablement l’auteur du pouvoir royal » ; 2, 1 l’empereur tire ses prérogatives des émanations royales d’en haut et sa puissance de l’attribution d’un titre divin » ; 2, 4 il est interprète du Logos de Dieu » ; 3, 5 Paré de l’image de la royauté céleste, regardant vers le haut, gouverne et dirige ceux d’en bas à la manière de son modèle » Maraval 2001. 11 Cf. Guilland 1959, 218. L’iconographie du pouvoir reflète elle aussi cette idéologie théocratique, comme le montre le thème, souvent exploité à l’époque macédonienne, du couronnement symbolique de l’empereur par le Christ ou par une figure déléguée Vierge, ange ou saint voir Jolivet-Lévy 1987, 445-449. 12 Constantin Porphyrogénète, Cér. I, 9 Vogt 1935, 55. 13 Constantin Porphyrogénète, Cér. I, 74 Vogt 1939, 102. 14 Constantin Porphyrogénète, Cér. 1, 78 Vogt 1939, 130-131. 15 Sur l’importance de la notion d’ ordre » dans l’idéologie byzantine, voir Ahrweiler 1975, 134-135 le terme ordre » taxis a joué à Byzance le rôle qu’avait dans l’Antiquité le terme mesure » metron. 16 Denys l’Aréopagyte, Hiérarchie céleste, 3, 1-2 Roques, Heil & de Candillac 1958. 17 Treitinger 1938, 49-123. Témoin de cette formalisation des rituels, dont la mise en place remonte à l’Antiquité tardive, Synésios, dans son discours Sur la royauté, critique violemment ce qu’il considère comme une dérive barbare ; il dénonce l’appréhension qu’ont les empereurs de se ravaler au rang de simples mortels » en se rendant accessibles à tous Vous ressemblez, dit-il, au prisonnier qui, sous des chaînes et des biens d’une inestimable valeur, ne comprendrait pas sa misère… Vous menez la vie recluse de lézards hésitant à tirer la tête à la lumière, de crainte que les hommes ne constatent que vous êtes des hommes comme eux » 1076 c et 1080 b-c Lacombrade 1951. 18 Dagron 2002, 30. Aux Xe-XIe siècles encore, le mutisme de l’empereur est presque absolu lors des réceptions officielles c’est un maître des cérémonies qui, normalement, parle en son nom ; les quelques exceptions figurant dans le Livre des Cérémonies sont des cas où l’empereur se contente de prononcer un seul mot… en latin cf. Grabar 1971, 200. 19 Cf. Guilland 1959. 20 Constantin Porphyrogénète, Cér. 1, 47 Vogt 1939, 2. 21 Cf. Guilland 1966-1967, 258. 22 Voir par exemple Cér. 1, 1 Vogt 1935, 10-11 et 26 procession à la Grande Église ; 1, 32 Vogt 1935, 122 fête de la Sainte Naissance ; 1, 35 Vogt 1935, 134 fête des Lumières ; 1, 45 Vogt 1935, 174 cortège de l’union de l’Église. 23 Dagron 1996, 104, 116. 24 Constantin Porphyrogénète, Cér. 1, 69 Vogt 1939, 84-85. 25 Sur l’akakia, voir Treitinger 1938, 117 ; Kazhdan 1991. 26 Cf. Cér. 1, 1 Vogt 1935, 20 tenue de l’empereur le jour de Pâques ; 1, 9 Vogt 1935, 57 tenue de l’empereur lors de la fête de la Pentecôte ; 1, 46 Vogt 1935, 175 tenue des souverains lors des fêtes et cortèges. 27 Cf. Underwood & Hawkins 1961, 195-196 et fig. 1 et 8. L’akakia est également figurée sur diverses monnaies byzantines Constantin V, Constantin VIII…, et on la distingue nettement dans certaines miniatures représentant des empereurs en costume d’apparat Jean VI Cantacuzène dans le Par. gr. 1242 cf. Grabar 1936, pl. VI, 2 et XXII, 2 ; Grabar 1953, 184. 28 Constantin Porphyrogénète, Cér. 2, 40 Reiske 1829, 638. Voir Dagron 1996, 350. 29 Pseudo-Kodinos, Traité des offices, ch. IV, Verpeaux 1966, 201-202 Cérémonial des fêtes du Seigneur ». Sur ce texte, voir Grabar 1971. 30 Syméon de Thessalonique, De sancto templo, ch. 148, PG, 155, col. 356 … ὴν ἀκακίαν, ὅπερ χοῦ ἐιν ἐν μανδυλί, ημαῖνον ὸ φθαρὸν ῆ ἀρχῆ καὶ ὴν ἐκ ούου απείνιν. 31 Léontios de Néapolis, Vie de Jean de Chypre, chap. 17, Festugière & Ryden 1974, 365 texte grec et 467 traduction. 32 Cf. Vasiliev 1932, 159. 33 Sur les cérémonies du triomphe, voir Cagnat 1919 ; Ehlers 1939 ; Versnel 1970 ; Scheid 1986. 34 Cf. Pline, NH, 33, 111 ; Tite-Live, 10, 7, 10. 35 Pline, NH, 28, 39 l’effigie du dieu Fascinus est suspendue sous le char des triomphateurs en guise de médecin contre l’envie » invidia, tandis qu’ une voix ayant pareille fonction curatrice leur ordonne de se retourner afin de conjurer derrière eux la Fortune, ce bourreau de la gloire » ; Tertullien, Apologétique, 33, 4 On rappelle qu’il est un homme, le jour même du triomphe, quand il est assis sur le plus sublime des chars ; dans son dos, on lui suggère “Regarde derrière toi ! Souviens-toi que tu es homme” » ; Jérôme, Ep. 39, 2, 8 à propos de saint Paul et son écharde dans la chair » Pour abaisser la superbe des révélations, il lui est adjoint une sorte de moniteur de l’humaine faiblesse, comme c’était le cas pour les triomphateurs, aux côtés desquels se tenait, à l’arrière du char, un compagnon qui, chaque fois que les citoyens poussaient des acclamations, disait “Souviens-toi que tu es un homme !” » ; Isidore de Séville, s’étant mépris sur le sens du texte de Pline, imagine les triomphateurs flanqués d’un bourreau » carnifice, destiné à leur rappeler la médiocrité humaine » Étym. 18, 2, 6. 36 Épictète, Entretiens, 3, 24, 85 Fais obstacle à la manière de ceux qui se tiennent en arrière des triomphateurs et leur rappellent qu’ils sont des hommes » ; Dion Cassius, 6, 21 ap. Zonaras, 7, 21, 9 description du triomphe de Camille, en 396 avant Un serviteur public se tenait sur le char, à ses côtés, soutenant sa couronne de pierres précieuses serties d’or, et il lui disait “Regarde derrière toi ὀπί βλέπε ὸ καόπιν, songe à la suite de ton existence, ne te laisse pas exalter par le présent, ne sois pas arrogant !” ; au char étaient attachés une clochette et un fouet, pour lui montrer qu’il pouvait lui aussi connaître le malheur au point de subir des outrages et d’être condamné à mort car il était d’usage que les gens condamnés à mort pour quelque offense portent une clochette, afin que nul ne contracte de souillure, en tombant sur eux en cours de route » ; on retrouve les mêmes détails chez Tzetzès, Ep. 97 et Chil. 13, hist. 461. Par ailleurs, il semble qu’Élien, auteur latin d’expression grecque, se soit souvenu des usages du triomphe romain lorsqu’il attribue à Philippe de Macédoine les précautions suivantes contre l’hybris Après avoir vaincu les Athéniens à Chéronée, Philippe, bien qu’exalté par le succès, contint néanmoins sa pensée et ne se montra pas arrogant οὐχ ὕβριε. C’est précisément pourquoi il jugea nécessaire de se faire rappeler dès l’aube par l’un de ses esclaves qu’il était un homme, et il commanda à cet esclave de se vouer à la tâche en question. À ce que l’on dit, lui-même ne sortait pas, et aucun de ceux qui venaient le solliciter ne l’approchait, avant que l’esclave ne lui eût, chaque jour, crié à trois reprises cet avertissement. Il lui disait “Philippe, tu es un homme !” » HV, 8, 15. 37 Cf. Suétone, César, 49 ; Denys d’Halicarnasse, AR, 7, 72, 11. 38 Séminaire du 3 octobre 1996 Collège de France. 39 Choricios de Gaza, Λόγο ὑπὲρ ν ἐν Διονύου ὸν βίον εἰκονιζόνν, 119-122 Förster & Richtsteig 1972, 371-372. 40 Récit sur la construction du temple de la Grande Église, 5 Preger 1901, 80 ; trad. Dagron 1984, 198-199. 41 Cf. Dagron 1984, 222. 42 Pseudo-Kodinos, Traité des offices, XII, Verpeaux 1966, 228-229. Sur cette cérémonie, voir Treitinger 1938, 126-128 ; il s’agit d’un rite ancien importé » tardivement au palais impérial il était, semble-t-il, en usage à l’église dès la fin du IVe siècle voir Pétridès 1899. 43 Jean, 13, 16 Osty & Trinquet 1974. 44 Voir Grabar 1971, 200-201. 45 Cf. Hunger 1978, 157-165 ; Blum 1981. 46 Formule empruntée à Prinzing 1988. 47 L’Ekthesis d’Agapet est destinée à Justinien 527-565, le Λόγο νουθεηικὸ πρὸ βαιλέα fut peut-être composé à l’intention d’Alexis Ier Comnène 1081-1118. 48 L’archevêque Théophylacte de Bulgarie s’adresse à Constantin Doukas, fils de l’empereur Michel VII 1071-1078 ; Nicéphore Blemmydès écrit pour le futur empereur Théodore II Laskaris 1254-1258 ; 49 Thomas Magister destine son miroir des princes au jeune Constantin, fils d’Andronic II Paléologue 1282-1328. Théophylacte et Thomas Magister étaient les précepteurs respectifs de Constantin Doukas et Constantin Paléologue. 49. Il s’agit des discours de Justin II à Tibère a. 574 et de Tibère à Maurice a. 582 chez Théophylacte Simokattès Historiae, 1, 1, 5-20 et 3, 11, 8-11, du discours de Joasaph à Barachias dans Barlaam ch. 36, § 331-335. 50 Voir Anastasi 1976. 51 Sur la postérité d’Agapet, voir Sevcenko 1978. 52 Voir Sevcenko 1954. 53 Cf. Sevcenko 1954, 163-164. 54 Cf. Gautier 1980, 48. 55 Cf. Dujcev 1965, 117-118. 56 Édition synoptique des deux textes par Hunger 1986. 57 Cf. Hadot 1969. 58 Manuel II Paléologue, Praecepta, PG, 156, col. 317. 59 Isocrate, À Nicoclès, 37. 60 Ap. Stobée, 6, 22 Delatte 1942, 26 texte grec et 47 traduction. Delatte place la composition du traité d’Ecphante à une date assez récente Ier ou IIe siècle après 61 Le poids des modèles antiques est particulièrement sensible dans le développement où Théophylacte présente à son jeune élève les traits distinctifs de la tyrannie et de la royauté et trace un portrait classique de tyran qui ne fait confiance à personne, n’a aucun ami, se rend ou suppose tous les hommes ennemis » et ne cesse de couper les épis dont la tête dépasse » Gautier 1980, 196 – souvenir évident du passage célèbre où Hérodote évoque le conseil du tyran Thrasybule à Périandre 5, 92. 62 C’est en raison même de cette ambivalence que l’Ekthesis a pu être exploitée au XVIe siècle à la fois par les partisans du tsar Ivan le Terrible et par ses adversaires, les premiers gommant tout ce qui avait trait à la fragilité de l’empereur en tant qu’homme, tandis que les seconds insistaient au contraire sur l’aspect humain du prince ! Voir Sevcenko 1954, 173-178. 63 Agapet, Ekthesis, ch. 21. Ce passage a été intégralement repris dans Barlaam pour caractériser Joasaph ch. 33, § 306 ; par ailleurs, il est cité dans les Loci communes du Pseudo-Maxime ch. 9, no 72 /75 et no 73 / 76 et dans le florilège d’Antoine Melissa, qui en attribue indûment la paternité à Philon d’Alexandrie II, 2, col. 1012 B. 64 Dagron 1996, 37-38. Voir Marc Aurèle, Pensées, 4, 48 Considérer sans cesse… combien de tyrans qui, avec un terrible orgueil φρυάγμαο, comme s’ils étaient immortels, avaient abusé de leur pouvoir sur la vie des hommes » ; 8, 5 Dans peu de temps, tu ne seras rien nulle part, pas plus qu’Hadrien ou Auguste » ; 8, 25 Se souvenir qu’il faudra soit que ton être composite se disperse, soit que ton souffle s’éteigne ou s’en aille et soit affecté ailleurs ». 65 Gen. 3, 19 Dogniez et al. 2001. 66 Gen. 18, 27 ἐγώ εἰμι γῆ καὶ ποδό. 67 Job, 10, 9 πηλόν με ἔπλαα, εἰ δὲ γῆν με πάλιν ἀπορέφει ; 30, 19 ἥγηαι δέ με ἴα πηλ͂, ἐν γῇ͂ καὶ ποδ͂ μου ἡ μέρι. 68 Sag. 7, 1 Εἰμὶ μὲν κἀγὼ θνηὸ ἄνθρπο, ἴο ἅπαιν καὶ γηγενοῦ ἀπόγονο προπλάου. 69 Sir. 10, 9-11 ί ὑπερηφανεύεαι γῆ καὶ ποδό ; 17, 32 ἄνθρποι πάνε γῆ καὶ ποδό. La plupart des formules qui viennent d’être citées n. 65-69 ont été abondamment exploitées dans les homélies des Pères de l’Église notamment chez Jean Chrysostome et se retrouvent en de multiples exemplaires dans les florilèges monastiques cf. Antoine Melissa, II, 73, col. 1173 D et 1176 A référence à Gen. 18, 27 et à Job, 30, 19 ; II, 74, col. 1181 B référence à Sir. 10, 9-11. La formule terre et cendre » est typique de l’imaginaire chrétien les Grecs de l’Antiquité classique voyaient l’homme comme un composé de terre et d’eau cf. Vernant 1979, 76-78. 70 Pseudo-Basile I, Parenesis, ch. 14 Περὶ απεινοφρούνη, col. XXVIII C. 71 Photius, Lettre à Michel de Bulgarie, l. 619-622. 72 Théognostos, Thesaurus, § 1. 73 Nicéphore Blemmydès, Basilikos Andrias, ch. 35 et 39. 74 Thomas Magister, De regis officiis, ch. 2. 75 Agapet, Ekthesis, ch. 68. Dans la liturgie même, l’empereur était désigné comme esclave » de Dieu à l’instar des autres hommes voir les passages consacrés aux rites propres à la Cour dans l’euchologe du Barberini gr. 336 VIIIe siècle, le plus ancien et le plus célèbre des euchologes byzantins, ouvrages où sont consignés les formulaires et prières en usage dans la liturgie cf. § 171, 175, 177 et § 174, où l’empereur est censé courber la nuque » devant le seul Roi des hommes, au même titre que tous les autres fidèles Parenti & Velkovska 1995, 195, 199, 200 et 198. 76 Barlaam, ch. 36, § 333 ; le même motif est repris au § 334 Barachias devra se montrer indulgent avec les fautes de ses compagnons d’esclavage » ὁμοδούλου, s’il veut bénéficier lui-même de l’indulgence divine. 77 Pseudo-Basile I, Parenesis, ch. 14 Περὶ απεινοφρούνη, col. XXVIII C. 78 Manuel II, Praecepta, ch. 7. 79 Théophylacte Simokattès, Historiae, 3, 11, 9. 80 Théognostos, Thesaurus, § 4 et 14 cf. Matthieu, 19, 23. 81 Eusèbe, Louanges de Constantin, 18, 3 Maraval 2001 Tu pourrais nous exposer en détail, de la manière qui convient, les secours manifestes de ton Dieu, ton champion et ton protecteur, dans les guerres, la destruction des ennemis et des comploteurs, la protection de sa droite dans les dangers, la solution dans les difficultés, le soutien dans la solitude, les trouvailles dans les impasses, la prescience du futur, la prudente prévoyance pour le bien général, la décision dans les incertitudes, les plans pour les grandes entreprises, les décisions politiques, l’administration de l’armée, la correction de toute chose, les décrets pour le bien public, les lois utiles à la vie ». 82 Théognostos, Thesaurus, § 1 ἐν γὰρ ῇ͂ χειρὶ ούου ἡ ὴ καρδία. 83 Prov. 21, 1 d’Hamonville 2000. Dagron 1968, 150-153, signale trois références au même verset des Proverbes dans les discours du païen Thémistios – signe que ce passage était déjà au IVe siècle un lieu commun de la rhétorique chrétienne. 84 Antoine Melissa, Loci communes, II, 1, col. 1000 D. 85 Photius, Lettre à Michel de Bulgarie, l. 1165-1169. 86 Pseudo-Basile I, Parenesis, ch. 65 Περὶ οῦ μὴ ἐπαίρεθαι, col. LIII D – LVI A. Sur la transcription iconographique de ce motif, voir Jolivet-Lévy 1987, 450 portrait de Basile II entouré de saints guerriers, symbolisant l’origine divine des victoires impériales. 87 Manuel II, Praecepta, § 13 et 42. 88 Théophylacte Simokattès, Historiae, 1, 1, 6 et 16-18. La formule ὑψηλόν καὶ μεέρον est empruntée à Isaïe, 2, 12. 89 Agapet, Ekthesis, ch. 14. 90 Barlaam, ch. 36, § 332. 91 Barlaam, ch. 33, § 306. 92 Photius, Lettre à Michel de Bulgarie, l. 1197. 93 Alexis Ier Comnène, Les Muses, I, 408-413. 94 Or. 19 ̓Επὶ ῇ͂ φιλανθρπίᾳ οῦ αὐοκράορο Θεοδοίου, 226 d – 227 a. 95 Sur cette évolution sémantique du terme πραύη, voir Spicq 1947, 324-332. 96 Isocrate figure parmi les sources mentionnées dans le prologue des Praecepta, et il est à nouveau cité au chapitre 15. 97 Souvenir possible de Jean Chrysostome pour qui le diptyque du Pharisien et du Publicain Luc, 18, 9-14 est l’illustration parfaite des avantages de l’humilité et des dangers du fol orgueil ἀπόνοια Le fol orgueil peut faire descendre des cieux mêmes celui qui se montre inattentif, tandis que l’humilité peut élever dans les hauteurs, depuis l’abîme même des péchés, celui qui sait garder la mesure » De profectu Evangelii 1-2, PG, 51, col. 311-312. 98 Blemmydès a apparemment confondu ce personnage avec Bellérophon ; la paraphrase de Galasiotès attribue explicitement l’entreprise d’Hipponoos à l’ἔπαρι. 99 Lycaon, pour mettre Zeus à l’épreuve, lui fit servir de la chair humaine, et le dieu le punit en foudroyant ses cinquante fils. 100 Ici encore, la paraphrase est plus précise et condamne explicitement Salmonée en évoquant son fol orgueil ἀπονοία et son ἔπαρι. Sur ce personnage, voir Apollodore, 1, 9, 7 Plein d’insolence ὑβριή, il voulait s’égaler à Zeus et fut châtié pour son impiété. Il disait qu’il était lui-même Zeus. Retirant au dieu ses sacrifices, il ordonna qu’ils soient offerts à lui-même. Il traînait, accrochés à un char, des outres de peau séchée et des chaudrons de bronze, et prétendait que c’était le tonnerre ; et lançant vers le ciel des torches enflammées, il affirmait que c’étaient des éclairs. Zeus le foudroya et fit disparaître la cité qu’il avait fondée et tous ses habitants ». 101 Il s’agit du feu de l’ἀυφία et de la απείνι », explique la paraphrase. 102 Cf. Dion Chrysostome, Or. 1, 46 celui qui se montre irrespectueux envers la divinité qui lui a donné le pouvoir ressemble à Phaéthon, juché de manière inconvenante παρὰ μοῖραν sur un char puissant et divin, sans être capable de le conduire » ; Or. 4, 118-122 l’esprit toujours exalté » ἀεὶ μεέρο des hommes passionnés de gloire évoque l’aventure violente et contre nature d’Icare » ; Lucien, Le Coq, 23 la chute fracassante d’Icare fait penser aux naufrages infamants » de Crésus ou Denys de Syracuse ; Julien, Or. 3, 83 d l’homme, une fois nanti de la puissance royale, s’exalte et devient excessivement hautain αἴρεαι μεέρο ἐπίπαν ; son sort ne diffère en rien de la tragique histoire de Phaéthon ». 103 Blemmydès emploie le terme μεριοφρονν, que la paraphrase transpose, dans le registre chrétien, en απεινόφρν. 104 Dans la paraphrase, le motif figure très explicitement, en commentaire à la formule alambiquée de Blemmydès αὐοῦ οῦ Χριοῦ οῦ ἀληθινοῦ͂ Θεοῦ ἡμν ἐι μιμηή. 105 Cf. Dagron 1996, 20-21 Le passage au christianisme a autant modifié les données de la politique que celles de la religion » ; 114 La christianisation du pouvoir romain s’est faite, au IVe siècle, en grande partie par l’interposition d’images bibliques ». 106 Pour le Moyen Âge occidental, voir Reydellet 1985 ; pour Byzance, Dagron 1996, 68-69 La royauté, son origine et la nature, sacerdotale ou non, de sa fonction sont l’un des grands sujets de l’Ancien Testament, et un lecteur byzantin pouvait y puiser quelques idées maîtresses ». 107 Exode, 18, 21 Dogniez et al. 2001 ἄνδρα δικαίου μιοῦνα ὑπερηφανίαν. 108 Deut., 17, 20 Dogniez et al. 2001 ἵνα μὴ ὑψθῇ͂ ἡ καρδία αὐοῦ ἀπὸ ν ἀδελφν αὐοῦ. 109 Cf. Lév., 29, 19 ὴν ὕβριν ῆ ὑπερηφανία ; Esther, 4, 17 d οὐκ ἐν ὕβρει οὐδὲ ἐν ὑπερηφανίᾳ ; 2 Macc., 1, 28 ἐξυβρίζονα ἐν ὑπερηφανίᾳ ; Prov., 8, 13 ὕβριν ε καὶ ὑπερηφανίαν ; Isaïe, 2, 12 ὑβριὴν καὶ ὑπερήφανον ; 13, 11 ὕβριν ὑπερηφάνν ; Jér., 31, 29 ὕβριν αὐοῦ καὶ ὑπερηφανίαν αὐοῦ… 110 Prov., 16, 5 ; 3, 34 d’Hamonville 2000. 111 Jacques, 4, 6 et 1 Pierre, 5, 5. 112 Cf. Évagre, Schol. Prov. 39 Géhin 1987 Le Seigneur résiste aux orgueilleux, en ce qu’il est lui-même humilité » οῖ ὑπερηφάνοι ὡ απεινοφρούνη ἀνιάεαι. 113 On rencontre ce verset, à trois reprises, dans les chapitres consacrés par Antoine Melissa aux humbles et aux orgueilleux II, 73, col. 1176 B et 1177 A ; II, 74, col. 1180 D. 114 Lettre d’Aristée à Philocrate, § 262 Pelletier 1962. 115 Trad. œcuménique 2004. 116 Nombres, 12, 3 Dogniez et al. 2001. S’appliquant à montrer qu’aucune vertu chrétienne n’est plus admirable que l’humilité, Jean Chrysostome invoque précisément ce passage, où Moïse est décrit comme le plus doux de tous les hommes », et il loue le chef des Hébreux de s’être montré si humble » alors qu’il dirigeait un peuple si nombreux In Ep. 1 ad Cor. 1, 2, PG, 61, col. 15. 117 Cf. 2 Regn. 6 ; 12 ; 16. L’épisode de David et Abishaï est souvent cité dans les florilèges, comme exemple d’humilité cf. Antoine Melissa, II, 1, col. 997 A ; II, 73, col. 1173 D. Ce même épisode est invoqué aussi dans le Thesaurus de Théognostos pour illustrer l’ἀνεξικακία du très doux David » πραόαον. Jolivet-Lévy 1987, 461, signale la présence d’une personnification de la Πραόη aux côtés de David dans l’une des miniatures du Psautier de Paris Paris. gr. 139. 118 1 Par. 29, 11-17 οί, κύριε, ἡ μεγαλύνη καὶ ἡ δύναμι καὶ ὸ καύχημα καὶ ἡ νίκη καὶ ἡ ἰχύ, ὅι ὺ πάνν ν ἐν ͂ οὐραν͂ καὶ ἐπὶ ῆ γῆ δεπόζει, ἀπὸ προώπου ου αράεαι πᾶ βαιλεὺ καὶ ἔθνο. παρὰ οῦ ὁ πλοῦο καὶ ἡ δόξα, ὺ πάνν ἄρχει, κύριε ὁ ἄρχν πάη ἀρχῆ, καὶ ἐν χειρί ου ἰχὺ καὶ δυναεία, καὶ ἐν χειρί ου, πανοκράρ, μεγαλῦναι καὶ καιχῦαι ὰ πάνα… καὶ ί εἰμι ἐγώ ; …ὰ ὰ πάνα… πάροικοί ἐμεν ἐνανίον ου… ὡ κιὰ αἱ ἡμέραι ἡμν ἐπὶ γῆ… καὶ ἔγνν, κύριε, ὅι ὺ εἶ ὁ ἐάζν καρδία καὶ δικαιούνην ἀγαπᾷ. 119 Matthieu, 11, 29 Osty & Trinquet 1974. Dans le chapitre qu’Antoine Melissa consacre à l’humilité II, 84 Περὶ πραύηο καὶ εὐλαβεία, sont évoquées à la fois la douceur » de Moïse col. 1201 B cf. Nombres, 12, 3 et celle du Christ col. 1201 D d’ap. Matthieu, 11, 29. 120 Marc, 9, 35 Osty & Trinquet 1974. Dans la cinquième de ses Catéchèses l. 610 sq., Syméon le Nouveau Théologien rappelle aux rois et gouverneurs cette parole du Christ, qui a inspiré à saint Paul la formule fameuse Je me complais dans les faiblesses, dans les outrages ἐν ὕβρειν, dans les détresses, dans les persécutions et les angoisses pour Christ ; car lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort » 2 Cor. 12, 10 Osty & Trinquet 1974. 121 Ambroise, Apologie de David, 81 Cordier 1977. 122 2 Par. 26, 16-19. 123 4 Regn. 19, 28. 124 2 Macc. 9, 8-12 trad. œcuménique 2004. Sort prédit par Mattathias, en 1 Macc. 2, 62-63 trad. œcuménique 2004 Ne craignez pas les menaces de l’homme pécheur, car sa gloire s’en va vers la pourriture et les vers. Aujourd’hui il s’élève, et demain on ne le trouvera plus, car il sera retourné à sa poussière εἰ ὸν χοῦν αὐοῦ et ses projets seront anéantis ». 125 Isaïe, 2, 11-17 καὶ απεινθήεαι ὸ ὕψο ν ἀνθρώπν, καὶ ὑψθήεαι κύριο μόνο ἐν ῇ͂ ἡμέρᾳ ἐκείνῃ. ἡμέρα γὰρ κυρίου αβαθ ἐπὶ πάνα ὑβριὴν καὶ ὑπερήφανον καὶ ἐπὶ πάνα ὑψηλὸν καὶ μεέρον, καὶ απεινθήοναι, καὶ ἐπὶ πᾶαν κέδρον οῦ Λιβάνου ν ὑψηλν καὶ μεεώρν καὶ ἐπὶ πᾶν δένδρον βαλάνου Βααν καὶ ἐπὶ πᾶν ὄρο καὶ ἐπὶ πάνα βουνὸν ὑψηλὸν καὶ ἐπὶ πάνα πύργον ὑψηλὸν καὶ ἐπὶ πᾶν εῖχο ὑψηλὸν καὶ ἐπὶ πᾶν πλοῖον θαλάη καὶ ἐπὶ πᾶαν θέαν πλοίν κάλλου · καὶ απεινθήεαι πᾶ ἄνθρπο, καὶ πεεῖαι ὕψο ἀνθρώπν, καὶ ὑψθήεαι κύριο μόνο ἐν ῇ ἡμέρᾳ ἐκείνῃ. 126 Isaïe, 10, 12-15. Le roi en question pourrait être Sargon II 721-705, prédécesseur et père de Sennachérib. 127 Isaïe, 14, 13-14 Εἰ ὸν οὐρανὸν ἀναβήομαι, ἐπάν ν ἄρν οῦ οὐρανοῦ θή ὸν θρόνον μου, καθι ἐν ὄρει ὑψηλ͂ ἐπὶ ὰ ὄρη ὰ ὑψηλὰ ὰ πρὸ βορρᾶν, ἀναβήομαι ἐπάν ν νεφελν, ἔομαι ὅμοιο ͂ ὑψί. Ce roi de Babylone pourrait être Nabuchodonosor II 604-562 ou Nabonide 556-539. 128 Sur ce passage, voir Grelot 1956 qui renvoie à Gordon 1949, 44 texte 49 I. Le mythe d’Attar, surnommé le Brillant » Helel, est, d’après Grelot, un ancien mythe astral, à comparer avec ceux de Phaéthon et de Lucifer. Le texte d’Isaïe 14 a d’ailleurs été utilisé par les Pères de l’Église pour évoquer la chute de Satan, comme l’a montré Jamel Attar à propos de Grégoire de Nazianze voir Attar 2006. 129 Isaïe, 14, 11-12 et 15. 130 Ézéchiel, 17, 24 ἐγὼ κύριο ὁ απεινν ξύλον ὑψηλὸν καὶ ὑψν ξύλον απεινόν. Formule souvent reprise dans les florilèges voir par exemple Antoine Melissa, II, 73, col. 1176 B. 131 Ézéchiel, 28, 2. 132 Ézéchiel, 31, 10-14. 133 Daniel, 4, 10 sq. καὶ ἰδοὺ δένδρον ἐν μέ ῆ γῆ, καὶ ὸ ὕψο αὐοῦ πολύ ; 4, 17 κύριό ἐιν ὁ ὕψιο ῆ βαιλεία ν ἀνθρώπν, καὶ ᾧ ἐὰν δόξῃ, δώει αὐὴν καὶ ἐξουδένημα ἀνθρώπν ἀναήει ἐπ ̓ αὐήν. 134 Voir Pseudo-Maxime, Loci communes, ch. 9 et 34 Περὶ ἀρχῆ καὶ ἐξουία ; ch. 42 Περὶ απεινοφρούνη ; Antoine Melissa, II, 1 Περὶ βαιλέ χρηοῦ ; II, 2 Περὶ βαιλέ μὴ λίαν θαυμαζομένου ; II, 73 Περὶ απεινοφρονούνν καὶ πχν ͂ πνεύμαι ; II, 74 Περὶ ὑπερηφάνν καὶ οβαρν καὶ ἀλαζόνν καὶ κενοδόξν ; II, 84 Περὶ πραύηο καὶ εὐλαβεία. 135 Dagron 1996, 70. 136 Voir Dulaey 1999. L’ arrogance » γαυρίαμα de Goliath est explicitement mentionnée dans Sir. 47, 4. 137 Augustin, Enarr. in Ps. 33, 1, 4 Dekkers & Fraipont 1956, 276 Humilitas occidit superbiam ». En Orient, on trouve le même type d’interprétation chez Didyme l’Aveugle qui fut le maître de saint Jérôme voir notamment le commentaire in Ps. 32, 16, où la défaite de Goliath, confiant en sa seule force, est imputée à son orgueil ἦν δὲ καὶ ὑπερήφανο Gronewald 1969, 180. 138 Constantin Porphyrogénète, Cér. 1, 82 Vogt 1939, 167 course hippique des Lupercales. 139 Constantin Porphyrogénète, Cér. 1, 78 Vogt 1939, 136. 140 Le titre du discours est, à soi seul, tout un programme De l’attaque insensée des Avares et des Perses athées contre cette ville, par Dieu protégée, et de leur retraite honteuse, que l’amour de Dieu pour les hommes suscita par l’intervention de la Théotokos » Makk 1975. 141 Anne Comnène, Alexiade, 14, 2, 4 Leib 1946. La formule fardeau de la terre » ἄχθο ἀρούρη est une citation d’Iliade, 18, 104. 142 Anne Comnène, Alexiade, 3, 5, 1 Leib 1937. L’invite au repentir s’imposait au basileus chaque fois qu’il franchissait les portes de Sainte-Sophie, puisque la mosaïque du narthex lui offrait l’image d’un empereur en proskynèse devant le Christ, dans une attitude rappelant celle de David, en posture de pénitent, dans les Psautiers byzantins cf. Dagron 1996, 129. 143 Anne Comnène, Alexiade, 14, 3, 6 Leib 1946. On notera comment la geste de Moïse est présentée en ce passage comme une préfiguration de celle du Christ, conformément aux usages de l’exégèse typologique. 144 Michel Choniatès, Or. 14 Lampros 1879, 246. 145 Grégoire de Nazianze, Or. 4, 32 Bernardi 1983 cf. Prov. 16, 18 et 3, 34. Pour une étude plus détaillée du thème de la démesure dans les deux invectives Contre Julien, voir Attar 2006. 146 Grégoire de Nazianze, Or. 5, 8 Bernardi 1983 Mais lui, excité et aiguillonné par ses folles passions…, entre en campagne contre les Perses, en s’appuyant plus sur une aveugle témérité que sur la solidité de ses forces… Comme un nouveau Salmonée, il imitait le tonnerre avec une trompette ; il avait les yeux fixés sur ces Trajans et ces Hadriens dont on n’admirait pas moins la prudence que le courage ». Peut-être cette référence de Grégoire de Nazianze à Salmonée – explicitée dans le commentaire du Pseudo-Nonnos Or. 5, hist. 2 – contribue-t-elle à expliquer que le personnage en question soit si souvent invoqué à titre d’antimodèle dans la littérature byzantine outre les passages, déjà évoqués, de Nicéphore Blemmydès, Théodore le Syncelle et Michel Choniatès, voir aussi Michel Italikos, Or. 43 Basilikos logos adressé en 1138 à l’empereur Jean II Comnène, sur ses combats en Syrie, Gautier 1972, 249 assimilation à Salmonée de l’Arménien Roupen, rebelle » et faux basileus » ; Nicétas Choniatès, Or. 11 discours prononcé en 1202, pour célébrer la victoire d’Alexis III Ange sur les rebelles Kamitzès, Chrysos Dobromir, Kalojean et Spiridonakès, van Dieten 1972, 110 comparaison du tsar Kalojean avec Salmonée ψευδοκρονίνα en raison de son arrogance. 147 Adversus Constantinum Cabalinum, 23 PG, 95, col. 341 texte cité par Dagron 1996, 195-196. 148 Cf. Attar 2006. 149 Sur cette affaire, à l’origine de vives tensions entre pouvoir impérial et milieux ecclésiastiques, voir Glavinas 1972 notamment p. 66 et 82 citations de la lettre adressée par Léon à Alexis. Inquiet de l’émotion que sa décision avait suscitée, Alexis décida de faire amende honorable, dans un chrysobulle daté de 1082, où il manifesta le regret de son geste et promit, sous serment, de ne plus recourir à ce genre de procédé – ce qui ne l’empêcha pas de récidiver en 1087 ! 150 Anne Comnène, Alexiade, 5, 2, 4 Leib 1943. 151 Barker 1957, 29. 152 Eschyle, Perses, 827-828. 153 Les byzantinistes français, qui travaillaient alors sans relâche, se firent, bon gré mal gré, les auxiliaires de la royauté voir Auzépy & Grélois 2001, 18. 154 Bossuet, Politique…, Préface », in Œuvres complètes, IX, 700. 155 Bossuet, Politique…, livre V, Article IV, 1re prop., ibid., 830. 156 En l’absence d’autre indication, les traductions proposées sont dues à l’auteur de l’ de page Pour citer cet article Référence papier Corinne Jouanno, Réflexions sur pouvoir et démesure à Byzance », Kentron, 23 2007, 127-165. Référence électronique Corinne Jouanno, Réflexions sur pouvoir et démesure à Byzance », Kentron [En ligne], 23 2007, mis en ligne le 16 mars 2018, consulté le 21 août 2022. URL ; DOI de page
claude et georges pompidou l amour au coeur du pouvoir