Desliens sociaux Ă  la cohĂ©sion sociale Niveaux de santĂ©, de bien-ĂȘtre et de cohĂ©sion sociale des populations Contrastes et inĂ©galitĂ©s entre territoires, entres groupes sociaux et Ă  l’international État de santĂ© : une articulation de dĂ©terminants DiversitĂ©s des dĂ©terminants Interactions des dĂ©terminants : modĂšles explicatifs ProblĂ©matiques sociales et reconnaissance des 8Dans la politique de la ville, le principal objectif est la lutte contre les inĂ©galitĂ©s sociales et la recherche de la cohĂ©sion sociale. Ce qui met souvent au premier plan la situation des quartiers dits « sensibles ». Si dans une dĂ©marche de recherche-action, il est souhaitable de reprendre le zonage de la ville appliquĂ© par les acteurs publics, pour dĂ©finir des rĂ©sultats de Distanciationsociale, cohĂ©sion et inĂ©galitĂ© dans la France de 2020 Distanciation sociale, cohĂ©sion et inĂ©galitĂ© dans la France de 2020 . 2 16 22 l’étĂ©. A l’inverse, pour ceux qui pensent que l’on est jamais trop prudent quand on a affaire aux autres, cette proportion passe Ă  77%1. Sans surprise eu Ă©gard Ă  l’anticipation prĂ©valente d’une seconde vague Ă©pidĂ©mique DansSociologie des inĂ©galitĂ©s, pages 151 Ă  192 En effet, les constats objectifs sur les « diffĂ©rences » enregistrĂ©es dans les principaux domaines de la vie sociale (les revenus, l’éducation, la santĂ©, l’accĂšs Ă  l’emploi, etc.), issus le plus souvent de la statistique publique, ne sont que trĂšs rarement (voire jamais) directement appariĂ©es Ă  des opinions sur la justice Laperspective de recherche qui s’est imposĂ©e dans les Ă©tudes d’épidĂ©miologie sociale associe le capital social au degrĂ© de cohĂ©sion sociale mesurĂ©e par la distribution des inĂ©galitĂ©s sociales et tout indicateur reliĂ© aux ruptures de liens dans une sociĂ©tĂ© (criminalitĂ©, divorce) et la prĂ©sence de liens sociaux forts mesurĂ©s par le niveau de confiance et de rĂ©ciprocitĂ© WUSV04. L`Orient-Le Jour Comment les inĂ©galitĂ©s sociales et L'Orient-Le Jour Comment les inĂ©galitĂ©s sociales et spatiales ... À LA UNE ECLAIRAGE - SYRIE Comment les inĂ©galitĂ©s sociales et spatiales alimentent la rĂ©volte anti-Assad vendredi, novembre 25, 2011 Manifestation pro-Assad Ă  Alep. "Damas est devenue trop puissante, et Bachar, fidĂšle Ă  la politique paternelle de diviser pour rĂ©gner, s'efforce de rĂ©activer Alep pour concurrencer la capitale", explique Fabrice Balanche. SANA/HO/AFP "Le retournement de l'espace syrien" Fabrice Balanche, chercheur et spĂ©cialiste de la Syrie, dĂ©crypte la crise en cours. Dans un rapport publiĂ© rĂ©cemment, Fabrice Balanche, directeur du Groupe de recherches et d'Ă©tudes sur la MĂ©diterranĂ©e et le Moyen-Orient, passe en revue les politiques socioĂ©conomiques du parti Bass, au pouvoir depuis prĂšs de 50 ans en Syrie. Une Ă©tude qui permet de mettre en Ă©vidence les racines sociales de la fronde populaire qui menace, depuis plus de neuf mois, le rĂ©gime et le clan Assad. "La Syrie est depuis plus de vingt ans dans une phase de transition Ă©conomique lente et hĂ©sitante, Ă©crit l'expert dans son document intitulĂ© +Le retournement de l'espace syrien+. Il est pratiquement sĂ»r que le pays ne reviendra plus Ă  l'Ă©conomie dirigiste des annĂ©es 70-80, mais elle reste bridĂ©e par la bureaucratie et des oligopoles constituĂ©s autour de quelques caciques du rĂ©gime, tel Rami Makhlouf", le cousin du prĂ©sident Bachar al-Assad. "Les ressources en hydrocarbures sont Ă  peine suffisantes pour la consommation domestique, l'autosuffisance alimentaire est remise en cause par le manque d'eau, l'industrie syrienne n'est pas compĂ©titive, le tourisme, prĂ©sentĂ© comme l'avenir de la Syrie, ne peut dĂ©coller en raison de la mainmise de quelques barons du rĂ©gime et bien sĂ»r de l'instabilitĂ© politique, explique le gĂ©ographe français. Dans ce contexte Ă©conomique et social, les dĂ©sĂ©quilibres territoriaux s'exacerbent". La "guerre" des classes Pour mieux comprendre ce phĂ©nomĂšne, un retour dans le temps s'impose. Le 8 mars 1963, "un coup d'Etat militaire a portĂ© Ă  la tĂȘte du pays un groupe d'officiers 1 sur 4 25/11/11 1152 L'Orient-Le Jour Comment les inĂ©galitĂ©s sociales et spatiales ... baasistes dont la majoritĂ© est issue de la petite bourgeoisie rurale des provinces pĂ©riphĂ©riques. La plupart d'entre eux appartiennent Ă  des groupes de confessions minoritaires alaouite, druze, chrĂ©tien et ismaĂ©lite. Ils se sont emparĂ©s d'un pouvoir monopolisĂ© depuis l'indĂ©pendance par la haute bourgeoisie qui possĂ©dait tout la richesse fonciĂšre, le grand commerce avec l'Ă©tranger et les industries naissantes. Aussi, ces secteurs Ă©conomiques furent-ils la cible immĂ©diate du nouveau rĂ©gime, dĂ©cidĂ© Ă  rĂ©duire le pouvoir des classes qu'ils jugeaient concurrent du leur". DĂšs son arrivĂ©e au pouvoir, le rĂ©gime baasiste concentre donc ses efforts sur le monde rural, qui "reprĂ©sentait les trois quarts de la population syrienne", et lance un rĂ©forme agraire ambitieuse "les grands domaines agricoles sont dĂ©mantelĂ©s et les terres distribuĂ©es aux paysans". La rĂ©gion cĂŽtiĂšre, fief de la communautĂ© alaouite, est naturellement elle aussi favorisĂ©e. "L'Etat, au prĂ©texte de sa vocation maritime, y implante plusieurs grandes entreprises, comptant encore aujourd'hui plus de 20% des emplois du secteur public industriel alors que la rĂ©gion rassemble moins de 10% de la population syrienne". Mais "dans tous les amĂ©nagements, les logiques clientĂ©listes, communautaire et/ou politiques priment au dĂ©triment de la rationalitĂ© Ă©conomique", note M. Balanche, auteur de "La rĂ©gion alaouite et le pouvoir syrien" Karthala, 2006. Selon lui, le succĂšs fragile de la politique de dĂ©veloppement du rĂ©gime baasiste "s'achĂšve sur un constat d'Ă©chec" dans les annĂ©es 80, suite la crise Ă©conomique provoquĂ©e par la chute de l'URSS, alliĂ© de la Syrie, et l'arrĂȘt des aides financiĂšres des Etats arabes pĂ©troliers. De 1973 Ă  1986, la Syrie recevait une aide annuelle comprise en 500 millions et 2 milliards de dollars, soit plus du quart de son PIB, des pĂ©tromonarchies du Golfe et cumulait plus de 10 milliards de dettes Ă  l'Ă©gard de l'Union soviĂ©tique. Selon M. Balanche, la crise des annĂ©es 80 a mis en Ă©vidence "l'absence de rentabilitĂ© Ă©conomique d'un secteur public industriel, utilisĂ© avant tout Ă  des fins politiques." L'ouverture Ă©conomique et ses consĂ©quences Face au risque d'une explosion sociale inĂ©vitable ñ€“ en raison notamment d'une dĂ©mographie galopante -, Hafez al-Assad 1971-2000 dĂ©cide de "libĂ©rer l'Ă©conomie syrienne au dĂ©but des annĂ©es 90". Cette politique sera renforcĂ©e Ă  l'arrivĂ©e de son fils Bachar, dix ans plus tard. "Depuis qu'il a succĂ©dĂ© Ă  son pĂšre, en juin 2000, Bachar al-Assad a donnĂ© un nouveau souffle au processus de libĂ©ralisation Ă©conomique, souligne M. Balanche, mais lĂ  encore, sans remettre en cause les fondamentaux de la pĂ©riode prĂ©cĂ©dente rĂ©forme agraire, secteur public industriel, administration plĂ©thorique, etc. En revanche, il a interrompu la coĂ»teuse politique de dĂ©veloppement des rĂ©gions pĂ©riphĂ©riques". RĂ©sultat les migrations intĂ©rieures autour des quatre principales mĂ©tropoles Alep, Hama, Homs et Damas reprennent. "Le flux migratoire majeur provient de la DjĂ©zireh nord-est, victime du dĂ©sengagement de l'Etat et d'un exode rural massif, alors que dans les annĂ©es 70-80, la rĂ©gion Ă©tait un front pionnier trĂšs attractif", note le rapport. Selon l'Ă©conomiste Samir AĂŻta, 300 000 emplois ont Ă©tĂ© dĂ©truits dans l'agriculture entre 2003 et 2007 "et le mouvement ne peut que s'accĂ©lĂ©rer, ajoute M. Balanche. L'agriculture n'est plus la prioritĂ© du rĂ©gime, qui a besoin de l'eau agricole pour le dĂ©veloppement des mĂ©tropoles, de l'industrie et du secteur touristique". 2 sur 4 25/11/11 1152 L'Orient-Le Jour Comment les inĂ©galitĂ©s sociales et spatiales ... Le modĂšle damasquin La premiĂšre ville Ă  avoir bĂ©nĂ©ficiĂ© de ce retournement est la capitale syrienne, Damas. Selon le Bureau de l'investissement syrien, Damas concentre la moitiĂ© des investissements privĂ©s du pays, contre un cinquiĂšme pour Alep. Selon M. Balanche, c'est avec la politique d'ouverture Ă©conomique, inaugurĂ©e en 1991 avec la loi numĂ©ro 10 censĂ©e favoriser les investissements Ă©trangers, que la capitale syrienne a connu un tel succĂšs. "La bourgeoisie damascĂšne, bridĂ©e pendant trente ans par le rĂ©gime baasiste, a immĂ©diatement saisi les opportunitĂ©s du nouveau contexte Ă©conomique et de sa proximitĂ© gĂ©ographique avec les autoritĂ©s centrales", explique M. Balanche dans son document. Selon lui, le marchĂ© syrien a Ă©gament rĂ©ussi Ă  attirer quelques entreprises Ă©trangĂšres, en particulier dans l'agroalimentaire et la construction. "Cependant, ajoute-t-il, les conditions d'investissement, la rigueur du systĂšme d'embauche, hĂ©ritĂ©e de la pĂ©riode socialiste, la quasi-obligation de prendre un reprĂ©sentant syrien proche du pouvoir et la corruption ambiante dĂ©couragent les investisseurs." La loi numĂ©ro 10, toujours selon le spĂ©cialiste de la Syrie, a en fait Ă©tĂ© utilisĂ©e par des entrepreneurs syriens, dont certains vivaient Ă  l'Ă©tranger, depuis les nationalisations des annĂ©es 60 et 80, pour reprendre leur place dans l'Ă©conomie nationale. "Elle a facilitĂ© la privatisation des monopoles publics par la nouvelle bourgeoisie d'affaires issue du rĂ©gime, tel Rami Makhlouf", explique encore M. Balanche. "Diviser pour rĂ©gner", l'exemple aleppin Mais le succĂšs de Damas finit par inquiĂ©ter Bachar al-Assad, souligne l'expert. "Damas est devenue trop puissante, et Bachar, fidĂšle Ă  la politique paternelle de diviser pour rĂ©gner, s'efforce de rĂ©activer Alep pour concurrencer la capitale, explique-t-il. L'activitĂ© Ă©conomique de la ville s'est redressĂ©e dans les annĂ©es 1990 et, jusqu'Ă  la rĂ©volte syrienne, elle bĂ©nĂ©ficiait pleinement de l'accord de libre-Ă©change avec la Turquie en 2005." "Cependant, note encore M. Balanche, l'ouverture Ă©conomique n'a pas que des avantages, car les petites et moyennes entreprises aleppines souffrent de la concurrence des produits turcs et chinois. D'importantes faillites dans le textile ont eu lieu ces derniĂšres annĂ©es, l'agroalimentaire et la pharmacie rĂ©sistant mieux grĂące Ă  la protection d'une lĂ©gislation rigoureuse". Un autre dĂ©savantage de la politique d'ouverture Ă©conomique a Ă©tĂ© l'accroissement considĂ©rable des Ă©carts de richesse en Syrie, provoquant une frustration au sein de la population. "La politique d'amĂ©nagement du territoire baasiste n'est pas parvenue Ă  rééquilibrer durablement l'espace syrien, explique M. Balanche. Les villes portuaires de LattaquiĂ© et Tartus capitalisent mal les bĂ©nĂ©fices de leur fonction d'interface, en raison de la mainmise de l'asabiyya alaouite sur l'Ă©conomie locale. Le rĂ©seau secondaire de petites et moyennes villes se dĂ©grade avec le dĂ©sengagement de l'Etat et la crise de l'agriculture. Le secteur privĂ© ne parvient pas Ă  dĂ©velopper leur potentiel en raison du poids de la bureaucratie et de la fermeture des sociĂ©tĂ©s locales malgrĂ© les incitations fiscales de l'Etat, notamment dans le quart nord-est." "L'espace de l'Ă©conomie dirigiste et de la bureaucratie coexistent avec celui du libĂ©ralisme Ă©conomique et de la mondialisation, souligne enfin l'expert, car le rĂ©gime n'a pas effectuĂ© de rupture brutale avec le passĂ© pour prĂ©server les rĂ©seaux clientĂ©listes qui le soutiennent". 3 sur 4 25/11/11 1152 L'Orient-Le Jour Comment les inĂ©galitĂ©s sociales et spatiales ... "Si le problĂšme est social, la rĂ©ponse, en revanche, est communautaire", conclut M. Balanche. "Le retournement de l'espace syrien ne pouvait que dĂ©stabiliser un rĂ©gime qui tirait sa lĂ©gitimitĂ© d'une construction spatiale opposĂ©e Ă  celle qui s'impose aujourd'hui." Fabrice Balanche Directeur du Groupe de Recherches et d'Etudes sur la MĂ©diterranĂ©e et le Moyen-Orient Maison de l'Orient et de la MĂ©diterranĂ©e 4 sur 4 25/11/11 1152 La science n’est autre chose que la conscience portĂ©e Ă  son plus haut point de clartéÉmile Durkheim, De la division du travail social 1La prise en compte des liens sociaux dans l’étude de la santĂ© des populations constitue un champ de recherche relativement bien Ă©tabli depuis plus d’une trentaine d’annĂ©es. Les relations sociales, qu’elles empruntent la forme de rĂ©seaux de soutien, de proximitĂ©, d’affinitĂ©, de participation sociale, ou de mobilisation sont reconnues pour jouer un rĂŽle potentiellement protecteur contre les effets nĂ©fastes des stresseurs de l’environnement social ainsi qu’un rĂŽle positif d’adaptation, de solidaritĂ© et d’intĂ©gration sociale. Cependant, la recherche a, conceptuellement et mĂ©thodologiquement, Ă©voluĂ© par diverses voies depuis les Ă©tudes pionniĂšres de Durkheim sur le suicide et la cohĂ©sion sociale, en passant par le soutien social durant les annĂ©es 1960-1970, les rĂ©seaux sociaux et plus rĂ©cemment, le capital social. Devant le constat de l’accroissement des inĂ©galitĂ©s de santĂ© mis en Ă©vidence par moult Ă©tudes, les chercheurs se sont attardĂ©s avec plus d’attention sur le rĂŽle des dĂ©terminants sociaux de la santĂ©. Les questions relatives aux inĂ©galitĂ©s, aux clivages et aux fractures sociales, autrement dit, au phĂ©nomĂšne gĂ©nĂ©ral de la cohĂ©sion des sociĂ©tĂ©s, ont occupĂ© l’avant-scĂšne de la recherche acadĂ©mique en santĂ© des derniĂšres annĂ©es. 2Dans ce chapitre nous examinerons dans un premier temps les bases thĂ©oriques sur lesquelles prend appui la recherche en santĂ©, principalement dans les travaux de Durkheim sur la solidaritĂ© sociale. Puis, nous ferons un bref survol des thĂšses qui ont plus rĂ©cemment contribuĂ© Ă  Ă©laborer le concept de capital social ainsi que les dĂ©bats qu’il soulĂšve conceptuellement et mĂ©thodologiquement. Enfin nous nous pencherons sur son utilisation dans le domaine de la santĂ©. Durkheim la solidaritĂ© sociale 3L’apport le plus considĂ©rable de Durkheim Ă  la sociologie est sans aucun doute la formulation des rĂšgles de mĂ©thode propres au raisonnement sociologique. Les faits sociaux sont extĂ©rieurs aux individus et doivent ĂȘtre expliquĂ©s par un autre fait social L’origine premiĂšre de tout processus social de quelque importance doit ĂȘtre recherchĂ©e dans la constitution du milieu social interne » Durkheim, 1894, p. 65 Les faits sociaux se produisent au niveau de la sociĂ©tĂ© en ayant une existence propre, indĂ©pendante de ses manifestations individuelles et s’imposent aux individus en vertu d’un pouvoir de coercition. TĂ©moin privilĂ©giĂ© des dĂ©sordres sociaux dĂ©coulant de l’industrialisation massive des sociĂ©tĂ©s de son temps, Durkheim cherche Ă  comprendre les facteurs de la cohĂ©sion sociale. À travers sa cĂ©lĂšbre Ă©tude sur le suicide, Durkheim dĂ©montre que les taux de suicide, un phĂ©nomĂšne relevant apparemment de la psychologie individuelle, varient considĂ©rablement en fonction des milieux sociaux. Le suicide est analysĂ© comme un fait social reliĂ© Ă  d’autres facteurs sociaux la religion, le sexe, l’état matrimonial, l’environnement social. D’autres analystes de la mĂȘme Ă©poque, dont Friedrich Engels, dĂ©crivent avec force la situation du prolĂ©tariat industriel en Angleterre et constate que des milliers d’ouvriers sont exposĂ©s Ă  une mort prĂ©maturĂ©e et anormale ». La maladie est donc un fait social dans sa nature mĂȘme, dans ses causes, dans sa propagation et la mĂ©decine, comme le soutenait Ă  cette Ă©poque Rudolf Virchow, n’a d’autre choix que d’ĂȘtre politique Si la mĂ©decine veut vraiment remplir sa grande tĂąche, elle sera obligĂ©e d’intervenir dans la vie politique et sociale, elle doit dĂ©noncer les obstacles qui empĂȘchent l’épanouissement normal des processus vitaux » Sournia, 1992, p. 234. 1 Durkheim rappelle que c’est Adam Smith qui fut le premier thĂ©oricien du concept de division du tra ... 4La majoritĂ© des chercheurs en santĂ© qui s’intĂ©ressent aux relations entre liens sociaux et santĂ© rĂ©fĂšrent principalement Ă  l’étude sur le Suicide, comme base thĂ©orique. Mais c’est dans l’ouvrage De la division du travail social que Durkheim explore le plus globalement la question des liens sociaux et de la cohĂ©sion des sociĂ©tĂ©s. Pourvu d’une excellente connaissance gĂ©nĂ©rale, des sciences naturelles et s’inspirant du fonctionnement des organismes vivants, Durkheim cherche Ă  comprendre la sociĂ©tĂ© de la mĂȘme maniĂšre, c’est-Ă -dire comme un systĂšme complexe dynamique formĂ© d’organes ou entitĂ©s qui interagissent localement et simultanĂ©ment. Un organisme vivant est gĂ©nĂ©ralement dĂ©fini en tant qu’ĂȘtre organisĂ© capable de se maintenir en vie, de se dĂ©velopper selon une certaine organisation, de se reproduire et de trouver un environnement favorable qui lui permette de survivre. Si depuis ce temps, la comparaison avec les organismes vivants n’a pas retenu l’intĂ©rĂȘt des sociologues contemporains, elle mĂ©rite, Ă  l’heure des Ă©tudes interdisciplinaires et des systĂšmes complexes, d’ĂȘtre Ă  nouveau considĂ©rĂ©e. Que nous enseigne-t-il ? Tout d’abord La loi de la division du travail s’applique aux organismes vivants comme aux sociĂ©tĂ©s, en mĂȘme temps qu’elle est une loi de la nature, elle est une rĂšgle morale de la conduite humaine » p. 38. Si les Ă©conomistes furent les premiers Ă  conceptualiser la notion de division du travail1, Durkheim la considĂšre comme un phĂ©nomĂšne sociologique en raison de l’effet moral qu’elle produit, Ă  savoir crĂ©er entre deux ou plusieurs personnes un sentiment de solidaritĂ© », ce qui en fait une condition essentielle de l’existence des sociĂ©tĂ©s et de leur cohĂ©sion. Pour clarifier cette hypothĂšse, il applique les rĂšgles de mĂ©thodes sociologiques en catĂ©gorisant les diffĂ©rentes espĂšces de solidaritĂ© sociale et en comparant leur variation entre diffĂ©rentes sociĂ©tĂ©s. Le droit, en tant qu’outil de rĂ©gulation des sociĂ©tĂ©s, lui apparaĂźt pouvoir reflĂ©ter les variĂ©tĂ©s essentielles de la solidaritĂ© sociale. Les rĂšgles juridiques nĂ©cessitent d’ĂȘtre classĂ©es d’aprĂšs leurs sanctions rĂ©pressives dans le cadre du droit pĂ©nal, restitutives lorsqu’il s’agit de rĂ©tablir des rapports problĂ©matiques Ă  leur forme normale droit civil, commercial, administratif, etc.. À ces deux grandes catĂ©gories des systĂšmes juridiques correspondra deux formes de solidaritĂ© sociale. 5Le crime, poursuit Durkheim, constitue une rupture du lien de solidaritĂ© parce qu’il reprĂ©sente un manquement trĂšs grave Ă  la morale collective. En fait, le crime n’existe que parce qu’il est collectivement rĂ©prouvĂ©. C’est qu’une conscience collective commune s’oppose Ă  certains faits, dit-il Le crime n’est pas seulement la lĂ©sion d’intĂ©rĂȘts mĂȘme graves, c’est une offense contre une autoritĂ© en quelque sorte transcendante. Or, expĂ©rimentalement, il n’y a pas de force morale supĂ©rieure Ă  l’individu, sauf la force collective » p. 67. Dans les sociĂ©tĂ©s traditionnelles, explique Durkheim, le droit, Ă©tant religieux, est presque exclusivement rĂ©pressif. Il ressort de cette conscience collective commune ou psychĂ© collective, un type de solidaritĂ© que Durkheim appelle solidaritĂ© mĂ©canique ou par similitudes ». Ce type de solidaritĂ© implique que les individus se ressemblent, partagent les mĂȘmes valeurs, que les comportements et les activitĂ©s humaines soient faiblement diffĂ©renciĂ©es et spĂ©cialisĂ©es. La tradition produit les normes et la culture du groupe. Le collectif absorbe l’individu. 6En Ă©voluant, les sociĂ©tĂ©s deviennent plus volumineuses, se densifient et s’individualisent d’oĂč le nĂ©cessaire processus de diffĂ©renciation et de spĂ©cialisation de l’activitĂ© humaine. La division du travail donne naissance Ă  de nouveaux groupes sociaux, ainsi qu’à des rĂšgles juridiques et morales qui dĂ©terminent la nature et les rapports des fonctions divisĂ©es, Ă  un droit coopĂ©ratif. Dans ce processus, les rapports sociaux deviennent plus interdĂ©pendants, et affranchissent les individus du joug collectif. Durkheim nomme organique » la solidaritĂ© qui est due Ă  la division du travail. Ainsi La vie sociale rĂ©sulte d’une double source, la similitude des consciences et la division du travail. L’individu est socialisĂ© dans le premier cas, parce que, n’ayant pas d’individualitĂ© propre, il se confond, ainsi que ses semblables, au sein d’un mĂȘme type collectif ; dans le second, parce que, tout en ayant une physionomie et une activitĂ© personnelles qui le distinguent des autres, il dĂ©pend d’eux dans la mesure mĂȘme ou il s’en distingue, et par consĂ©quent de la sociĂ©tĂ© qui rĂ©sulte de leur union. p. 205 La division du travail 7Pour Durkheim, la division du travail touche toute la vie sociale et dĂ©signe le processus de diffĂ©renciation par lequel se distinguent les unes des autres les fonctions sociales religieuses, juridiques, Ă©conomiques, politiques
 d’une part et d’autre part, la division technique des opĂ©rations de production. 8Si au dĂ©part, la diffĂ©renciation est surtout liĂ©e Ă  des circonstances locales particularitĂ© ethniques, climatĂ©riques, etc., Ă  mesure que les frontiĂšres premiĂšres s’attĂ©nuent, un Ă©quilibre se rompt. Les individus ne sont plus contenus dans leurs lieux d’origine, de nouveaux espaces libres les attirent, les populations se mĂ©langent, les diffĂ©rences originelles se perdent, les villes se dĂ©veloppent, deviennent les foyers du progrĂšs, affaiblissant du coup les traditions. Plus le milieu social s’étend, plus la conscience collective devient abstraite et gĂ©nĂ©rale, plus elle laisse place aux variations individuelles. Les pressions de plus en plus fortes exercĂ©es par les unitĂ©s sociales les unes sur les autres les obligent Ă  se dĂ©velopper dans des sens de plus en plus divergents, produisant ainsi la division du travail et des fonctions. 9La fonction premiĂšre de la division du travail, poursuit Durkheim, est de permettre une vie sociale dans les conditions toujours renouvelĂ©es d’existence qui sont faites aux individus. Pour que la division du travail Ă©volue et puisqu’elle unit en mĂȘme temps qu’elle oppose ; qu’elle fait converger les activitĂ©s qu’elle diffĂ©rencie », il est nĂ©cessaire que les individus adhĂšrent les uns aux autres. Pour cela, il faut que les individus entre lesquels la lutte s’engage soient dĂ©jĂ  solidaires, ce qui prĂ©suppose l’existence de liens moraux. Ce processus de division et de spĂ©cialisation n’est pas seulement dĂ» aux circonstances extĂ©rieures plus variĂ©es, mais surtout, prĂ©cise-t-il, parce que la lutte pour la survie devient toujours plus vive et plus exigeante. La spĂ©cialisation des tĂąches est une lutte incessante et les problĂšmes qu’elle engendre ne peuvent ĂȘtre rĂ©solus que par une division du travail toujours plus dĂ©veloppĂ©e. Tel est, selon Durkheim, le moteur du progrĂšs ». 10Suivant l’analogie des organismes vivants, le milieu humain est le plus complexe de tous les milieux. La spĂ©cialisation des fonctions sociales est un processus continu, qui ne peut jamais ĂȘtre dĂ©finitif. Parce que leur grande complexitĂ© les maintient dans un Ă©tat d’instabilitĂ©, les Ă©tats complexes, se dĂ©composent facilement. Plus les activitĂ©s se spĂ©cialisent, plus elles se complexifient et plus les aptitudes se dĂ©veloppent, plus elles se transmettent par l’hĂ©rĂ©ditĂ© difficilement. C’est leur Ă©tat d’indĂ©termination qui rend les organismes aptes au changement sous l’influence de diffĂ©rentes circonstances. 11Par souci de dĂ©monstration formelle, Durkheim examine l’antithĂšse ou les formes anormales » de la division du travail, celles qui ne produisent pas de solidaritĂ© et ne favorisent pas l’intĂ©gration. Le crime organisĂ© vient tout de suite Ă  l’esprit, mais prĂ©cise-t-il, il ne s’agit pas de division du travail mais plutĂŽt, Ă  l’image d’un cancer, d’une prolifĂ©ration anarchique de cellules sans qu’il n’y ait spĂ©cialisation nouvelle des fonctions biologiques. Les crises industrielles, les faillites qui deviennent plus nombreuses Ă  mesure que le travail se divise sont des ruptures partielles de la solidaritĂ© organique. Elles indiquent une transition dans le processus de division du travail oĂč les luttes sont plus vives que la solidaritĂ©. Les conditions nouvelles de la vie industrielle rĂ©clament une organisation nouvelle mais comme ces transformations s’accomplissent rapidement, les intĂ©rĂȘts en conflits n’ont pas le temps de s’équilibrer, crĂ©ant l’état d’anomie. La cohĂ©sion devient plus instable et a besoin d’ĂȘtre consolidĂ©e par d’autres moyens d’oĂč la nĂ©cessitĂ© de rĂ©glementations nouvelles qui se font toujours Ă  tĂątons. 12Enfin, la division du travail prend une forme anormale lorsqu’elle est contrainte par l’antagonisme du travail et du capital et des inĂ©galitĂ©s de classes qui s’ensuivent, bien qu’en mĂȘme temps, elle en accroĂźt la conscience. C’est qu’elle crĂ©e entre les fonctions divisĂ©es tout un systĂšme de droits et de devoirs qui lient les uns aux autres d’une maniĂšre durable, exacerbant la conscience des inĂ©galitĂ©s. Rendant plus conscients les individus de leurs rĂŽles dans la division du travail, elle crĂ©e le besoin d’une rĂ©partition juste et Ă©quitable des fonctions et des tĂąches. De mĂȘme les similitudes sociales donnent naissance Ă  un droit et une morale qui les protĂšgent, de mĂȘme la division du travail donne naissance Ă  des rĂšgles qui assurent le concours pacifique et rĂ©gulier des fonctions divisĂ©es. Durkheim ajoute qu’il ne suffit pas qu’il y ait des rĂšgles, il faut que celles-ci soient justes et pour cela il faut que les conditions extĂ©rieures de la concurrence soient Ă©gales. La sociĂ©tĂ© se divise en tentant de rĂ©duire les inĂ©galitĂ©s en rĂ©glementant, en assistant ceux qui se trouvent placĂ©s dans des situations dĂ©savantageuses et en les aidant Ă  s’en sortir. La tĂąche des sociĂ©tĂ©s les plus avancĂ©es est donc, pour Durkheim, une Ɠuvre de justice. L’idĂ©al des sociĂ©tĂ©s traditionnelles Ă©tait de crĂ©er une vie commune aussi intense que possible, le nĂŽtre est de mettre toujours plus d’équitĂ© dans nos rapports sociaux, afin d’assurer le libre dĂ©ploiement de toutes les forces socialement utiles, mĂȘme si la justice en cours d’évolution apparaĂźt imparfaite » p. 127. 13Lorsque des changements profonds se produisent trĂšs rapidement et en peu de temps dans la structure des sociĂ©tĂ©s, des Ă©tats de crise s’ensuivent. La morale qui correspond Ă  ce type social rĂ©gresse sans qu’une nouvelle n’ait eu le temps de prendre forme.» Pour faire cesser cette anomie, il faut trouver les moyens de faire concourir harmoniquement ces organes qui se heurtent encore Ă  des mouvements discordants, c’est introduire dans leur rapport plus de justice en attĂ©nuant de plus en plus ces inĂ©galitĂ©s extĂ©rieures qui sont la source du mal » p. 143. 14Bien que la critique acadĂ©mique lui ait confĂ©rĂ© un certain conservatisme en raison d’une vision de la sociĂ©tĂ© stable et reposant sur le consensus normatif », en rĂ©interprĂ©tant aujourd’hui son travail Ă  la lumiĂšre des thĂ©ories de la complexitĂ©, nous pouvons considĂ©rer que Durkheim prĂ©figurait, bien avant l’heure d’une analyse dynamique des sociĂ©tĂ©s, qu’il a Ă©tudiĂ© comme des systĂšmes complexes et intĂ©grĂ©s. Loin de nier les inĂ©galitĂ©s sociales, les conflits des groupes d’intĂ©rĂȘts, les luttes interprofessionnelles, les conflits de pouvoir, il constate que les sociĂ©tĂ©s organisĂ©es tendent Ă  les rĂ©duire et que l’effort de tous finit par converger vers cet idĂ©al de justice et d’équitĂ©, parce que le mouvement mĂȘme de la division du travail accroĂźt la conscience des positions que chacun occupe, elle divise et unit. Pour Durkheim, une sociĂ©tĂ© organisĂ©e est forcĂ©ment une sociĂ©tĂ© morale. L’altruisme plus que l’égoĂŻsme rĂšglerait les conduites humaines et serait Ă  la base de la civilisation. 15Cette Ă©tude sur la solidaritĂ© sociale et des ses formes diffĂ©rentes selon la morphologie sociale demeure extrĂȘmement riche pour l’analyse actuelle des liens sociaux dans le contexte de la mondialisation, de la vie qu se concentre toujours plus dans les mĂ©ga citĂ©s, de l’accroissement des communications et des Ă©changes Ă  l’échelle de la planĂšte. La sociĂ©tĂ© en rĂ©seaux et nouvelle forme de solidaritĂ© 16Les changements morphologiques ou structurels, comme l’a dĂ©montrĂ© Durkheim dans son Ă©tude sur la division du travail et la spĂ©cialisation des tĂąches, induisent des effets sur les liens sociaux. Les liens de solidaritĂ© survivent aux transformations sociales liĂ©es Ă  l’urbanisation et Ă  l’industrialisation mais ils relĂšvent davantage des interdĂ©pendances entre individus et groupes sociaux la solidaritĂ© devient organique. Dans les sociĂ©tĂ©s actuelles, complexes et informationnelles, la division du travail est encore plus accentuĂ©e et spĂ©cialisĂ©e, s’exerce Ă  l’échelle du monde et les liens sociaux toujours plus interdĂ©pendants, se tissent Ă  travers les rĂ©seaux, Ă  l’enseigne des systĂšmes d’information dynamiques oĂč un nombre accru d’individus communiquent davantage entre eux. L’organisation rĂ©ticulaire permettant d’agir Ă  plusieurs niveaux simultanĂ©ment et dans un espace se jouant des frontiĂšres traditionnelles, constitue la forme adaptĂ©e des sociĂ©tĂ©s complexes qui permet aux individus de rĂ©soudre les problĂšmes de l’action sociale et l’atteinte de divers objectifs. On pourrait avancer le concept de solidaritĂ© rĂ©ticulaire pour correspondre au type de sociĂ©tĂ©s mondialisĂ©es. 17Les rĂ©seaux, selon Castells 1998, constitueraient la nouvelle morphologie sociale des sociĂ©tĂ©s contemporaines qui dĂ©termine largement les processus de production, d’expĂ©rience, de pouvoir et de culture » p. 575. Bien que les rĂ©seaux sociaux aient existĂ© de tout temps, Castells voit dans le paradigme informationnel dont les technologies de l’information en constituent la base matĂ©rielle une extension de la logique de mise en rĂ©seau Ă  toute la structure sociale. Castells dĂ©finit les rĂ©seaux comme des structures ouvertes, susceptibles de s’étendre Ă  l’infini, intĂ©grant des nƓuds nouveaux en tant qu’ils sont capables de communiquer au sein du rĂ©seau, autrement dit qu’ils partagent les mĂȘmes codes de communication par exemple des valeurs ou des objectifs de rĂ©sultat » p. 577. Les rĂ©seaux sont vus comme des structures dynamiques fonctionnant gĂ©nĂ©ralement sous forme d’alliances peu hiĂ©rarchisĂ©es. Un rĂ©seau social, selon la mĂȘme perspective, est un maillage de relations sociales plus ou moins denses qui gĂ©nĂšrent et partagent des ressources nĂ©cessaires Ă  la mobilisation des membres constituants. La forme du rĂ©seau dĂ©termine son efficience. Ainsi, comme l’a dĂ©montrĂ© Granovettor 1973 l’un des pionniers de la thĂ©orie sociale des rĂ©seaux, plus un rĂ©seau est ouvert avec de nombreux liens faibles, plus il est susceptible de donner accĂšs Ă  davantage de ressources qu’un rĂ©seau plus petit aux liens serrĂ©s. Le rĂ©seau permet de dĂ©terminer le capital social des acteurs sociaux. 18Les courants de modernisation de nombreux États s’inscrivent dans ce mouvement d’adaptation Ă  la nouvelle morphologie sociale. Innovation, dĂ©centralisation, ententes multipartites et intersectorielles, concertation, gouvernance horizontale, mĂ©canismes flexibles, rĂ©seautage, intĂ©gration, partenariat stratĂ©gique en constituent les principales composantes. C’est dans ce contexte qu’est entrĂ©e en vigueur au Canada, en 2002, la Politique sur les diffĂ©rents modes de prestations des services. Pour le Conseil du trĂ©sor, responsable de la politique, La prestation moderne de services axĂ©s sur les citoyens tĂ©moigne de l’interdĂ©pendance accrue des diffĂ©rents secteurs dans un environnement aussi complexe que variĂ© » p. 2. Le capital social dĂ©fini par les rĂ©seaux de relations et les ressources sociales 19La question de dĂ©part qui a conduit Durkheim a rĂ©diger son ouvrage est celle de la solidaritĂ© sociale. Il cherche Ă  comprendre comment les ĂȘtres humains maintiennent leurs liens de coopĂ©ration tout en s’individualisant davantage, un paradoxe en soi. Le concept de capital social qui a Ă©mergĂ© au cours des annĂ©es 1980 tourne toujours autour de cette question fondamentale de la cohĂ©sion sociale et recoupe diverses dimensions telles que rĂ©seaux sociaux, normes de rĂ©ciprocitĂ©, participation sociale, soutien social, confiance, accĂšs aux ressources sociales. 20On attribue l’usage formel contemporain du concept et son dĂ©veloppement thĂ©orique Ă  Pierre Bourdieu, James Coleman et Robert Putnam. Sans revoir en dĂ©tail cette littĂ©rature bien exposĂ©e ailleurs Portes, 1998 ; Woolcook, 1998, rappelons ici quelques Ă©lĂ©ments principaux du contenu qui s’en dĂ©gage. Pierre Bourdieu 1983 fut le premier Ă  formuler une thĂ©orie des capitaux pouvant prendre diffĂ©rentes formes Ă©conomique, culturel, social et symbolique. Il dĂ©finit ainsi le concept de capital social le capital social comprend les ressources actuelles ou potentielles liĂ©es Ă  la possession d’un rĂ©seau stable de relations plus ou moins institutionnalisĂ©es de connaissance et de reconnaissance mutuelles, autrement dit liĂ©es Ă  l’appartenance Ă  un groupe. » Bourdieu, 1986, citĂ© en français par LĂ©vesque et White, 1999, p. 27-28. Le capital social est instrumental en ce qu’il procure des ressources non accessibles autrement que par l’appartenance Ă  un rĂ©seau social. Il s’est intĂ©ressĂ© plus particuliĂšrement aux mĂ©canismes de sa reproduction et aux comportements stratĂ©giques qui en sont caractĂ©ristiques, notamment chez les Ă©lites françaises. Du cĂŽtĂ© de la sociologie amĂ©ricaine, c’est James Coleman, un sociologue reconnu pour ses travaux sur l’éducation publique et comme le chef de file en sociologie de la thĂ©orie des choix rationnels qui a contribuĂ© Ă  donner de la visibilitĂ© au concept, notamment dans son ouvrage Foundations of Social Theory 1990. Le capital social y est dĂ©fini plus vaguement et comprend diverses composantes dont les normes de rĂ©ciprocitĂ© les obligations et les attentes nĂ©gociĂ©es par le niveau de confiance sociale, les rĂ©seaux d’information, les normes sociales et les sanctions effectives, les relations d’autoritĂ© et les organisations sociales, ayant pour fonction de faciliter l’action sociale consist of some aspect of social structure and they facilitate certain actions of actors within the structure. L’approche avancĂ©e par Coleman a Ă©tĂ© sĂ©vĂšrement critiquĂ©e par Portes 1998 pour son caractĂšre trop hĂ©tĂ©rogĂšne mais a nĂ©anmoins permis d’identifier certains des mĂ©canismes gĂ©nĂ©rateurs de capital social. Nous y reviendrons. 2 [Les] caractĂ©ristiques de l’organisation sociale telles que la confiance, les normes et les rĂ©se ... 21D’autres auteurs ont contribuĂ© Ă  forger le concept tels Glen Loury thĂ©orie Ă©conomique sur les inĂ©galitĂ©s raciales, 1977, Mark Granovetter thĂ©orie des liens faibles, 1973 et Nam Lin thĂ©ories des ressources, 1981. Mais c’est au politologue Robert Putnam que revient la popularitĂ© du concept ces derniĂšres annĂ©es. Dans le cadre d’une Ă©tude sur les diffĂ©rentes rĂ©gions d’Italie, Putnam 1993 constate que la performance de l’économie et des institutions politiques de chacune d’elles, Ă©tait tributaire du niveau d’engagement civique prĂ©sent. Les travaux subsĂ©quents de Putnam Bowling alone, 1995 sur le capital social dĂ©clinant aux États-Unis ont attirĂ© l’attention sur le concept. Pour lui, le capital social reprĂ©sente une ressource collective, fait de normes de rĂ©ciprocitĂ© et de rĂ©seaux d’engagement civique, des aspects essentiels de la confiance sociale qui peuvent renforcer l’efficacitĂ© de la sociĂ©tĂ©2. Constatant le dĂ©sengagement civique aux États-Unis une dĂ©mocratie construite, selon A de Tocqueville, sur l’esprit et la pratique de l’association, il postule un dĂ©clin du capital social dont l’effet est l’affaiblissement des indicateurs de santĂ©, de bien-ĂȘtre, de prospĂ©ritĂ© et d’éducation Putnam, 2000. Cette dĂ©finition du capital social, davantage centrĂ©e sur la fonction du capital social, a souvent Ă©tĂ© reprise dans de nombreuses Ă©tudes empiriques. 22Des rĂ©serves et des critiques ont Ă©tĂ© Ă©mis quant Ă  la clartĂ© conceptuelle, Ă  sa mesure et Ă  l’excĂšs d’optimisme que le concept pouvait engendrer. Coleman 1990 a reconnu dĂšs le dĂ©part que le capital social pouvait servir Ă  des fins destructrices les groupes mafieux reprĂ©sentent une forme de capital social anti-social ». Portes 1998 a aussi relevĂ© que les rĂ©seaux tissĂ©s serrĂ©s » peuvent avoir des pratiques ou des rĂšgles exclusives, discriminatoires et oppressives. Le capital social peut donc aussi produire des effets nĂ©gatifs. Une critique plus sĂ©vĂšre est venue souligner le caractĂšre potentiellement tautologique du concept de capital social, dĂ©fini par sa fonction. En effet, certaines recherches utilisant le concept ont parfois eu tendance Ă  confondre le capital social lui-mĂȘme Ă  ses rĂ©sultats Lin, 1995. Dans la mĂȘme veine d’idĂ©e, Portes 1998 considĂšre qu’il est important de distinguer les ressources en soi de la capacitĂ© Ă  y accĂ©der par l’appartenance Ă  diverses structures sociales », une distinction explicite chez Bourdieu mais nĂ©buleuse chez Coleman. L’analyse de Portes a contribuĂ© Ă  faire ressortir les limites d’une approche oĂč dĂ©terminants, sources et rĂ©sultats du capital social peuvent ĂȘtre assimilĂ©s l’un Ă  l’autre. 23Parmi les autres critiques du concept, on retrouve celle occultant le rĂŽle des nouveaux mouvements sociaux, tels que les mouvements Ă©cologistes et fĂ©ministes en se concentrant sur les formes classiques d’associations, tels que le taux de vote, l’appartenance Ă  des associations bĂ©nĂ©voles de bienfaisance ou Ă  des clubs sportifs. On a Ă©galement dĂ©noncĂ© le fait que le capital social pouvait servir de justification du retrait de l’État des sphĂšres sociales Van Kemenade, 2003. En effet, puisqu’il est possible de retrouver certains niveaux Ă©levĂ©s de capital social dans certains milieux pauvres et compte tenu des vertus sociales attribuĂ©es au capital social, le dĂ©veloppement du capital social peut parfois apparaĂźtre non seulement comme une solution complĂ©mentaire aux coĂ»teux programmes d’assistance sociale, mais aussi comme une solution de rechange. 24Comme toute science Ă©volue par confrontation thĂ©orique, malgrĂ© sa popularitĂ©, le concept est encore fortement dĂ©battu Ă  la fois au plan thĂ©orique, mĂ©thodologique et politique Fassin, 2003 ; PRP, 2003. ThĂ©oriquement en raison d’une dĂ©finition par les effets, mĂ©thodologiquement pour sa diversitĂ© de contenu, politiquement pour son potentiel de transfert de responsabilitĂ© de l’état aux individus et l’occultation des dĂ©terminations structurelles. Plus rĂ©cemment la perspective du capital social dĂ©fini par les rĂ©seaux de relations sociales et les ressources contenues dans ces rĂ©seaux semble faire consensus PRP, 2003. 25Une avancĂ©e utile pour distinguer les sources et les effets du capital social fut la distinction entre trois formes de capital social affectif bonding, relationnel bridging et instrumental linking Woolcock, 2001 ; Frank, 2003. La premiĂšre forme renvoie aux liens Ă©troits tissĂ©s au sein de groupes homogĂšnes aptes Ă  offrir le soutien social et psychologique. La seconde, le capital social relationnel, est plus hĂ©tĂ©rogĂšne et transversale. Cette forme de capital social facilite l’accĂšs Ă  diffĂ©rentes ressources et la diffusion de l’information. Elle inclut les liens faibles » identifiĂ©s par Granovetter 1970, qui peuvent parfois s’avĂ©rer plus utiles que les liens forts. Le capital social instrumental constituerait la catĂ©gorie verticale des interrelations, les relations entre diffĂ©rentes strates de richesse et de statut social permettant de tirer profit des ressources institutionnelles plus largement qu’au niveau du groupe restreint. 26LĂ©vesque et White 1999 ont opĂ©rĂ© la distinction entre les courants fonctionnaliste » et rĂ©ticulaire » au sein des thĂ©ories du capital social, une distinction nĂ©cessaire pour mieux comprendre de quoi est fait le capital social, comment il fonctionne et ce qu’il produit. L’approche proposĂ©e par Coleman et Putnam porte sur les moyens par lesquels le capital social reprĂ©sente un actif collectif, une dĂ©finition du capital social par ses effets. L’impasse majeure imputĂ©e Ă  cette approche est d’étendre trop longuement la liste d’élĂ©ments considĂ©rĂ©s comme des gĂ©nĂ©rateurs de capital social et d’obscurcir plus que d’éclairer sa comprĂ©hension et d’en limiter le pouvoir explicatif. Les approches du capital social basĂ©es sur les rĂ©seaux vont s’intĂ©resser soit Ă  la structure des rĂ©seaux, soit aux ressources qui y sont contenues ou encore Ă  l’accessibilitĂ© des ressources via les rĂ©seaux LĂ©vesque et White, 1999. MalgrĂ© que l’approche rĂ©ticulaire ait aussi ses lacunes, certains la considĂ©rant trop restrictive, elle apparaĂźt nĂ©anmoins plus claire et plus opĂ©rationnelle parce qu’elle permet de distinguer les formes du capital de ses effets, une rĂšgle de base de la mĂ©thode sociologique. Si le capital humain s’est rĂ©vĂ©lĂ© un concept solide en raison de composantes bien dĂ©finies telles que les connaissances et les compĂ©tences, le capital social peut se rĂ©vĂ©ler tout aussi productif si on lui donne une dĂ©finition moins Ă©quivoque. 27L’approche par les rĂ©seaux de relations sociales diffĂ©rencie les ressources elles-mĂȘmes de leur obtention et se penchent ainsi davantage sur la nature intrinsĂšque du capital social. Les thĂšses de Lin 1995 constituent un exemple de thĂ©orisation rĂ©ticulaire. Il analyse le capital social sous l’angle de la thĂ©orie des ressources sociales qui cerne les actions conduites pour conserver ou acquĂ©rir de telles ressources. » Lin, 1995, p. 687. En identifiant la genĂšse du capital social, Lin permet une meilleure diffĂ©renciation du capital social par rapport aux autres formes de capital culturel, Ă©conomique, etc.. 28Ces dĂ©veloppements thĂ©oriques constituent autant de prĂ©cisions permettant de mieux apprĂ©hender le capital social et de faire une analyse plus fine de ses effets. Des dĂ©veloppements semblables sont Ă©galement survenus dans les modĂšles conceptuels visant la mesure du capital social, source d’autant de dĂ©bats. Les indicateurs traditionnels » inspirĂ©s par les dĂ©finitions proposĂ©es par Coleman 1990 et Putnam 1993 regroupent les mesures de confiance envers autrui et les institutions ; les normes de rĂ©ciprocitĂ© ; l’engagement civique et communautaire ; la participation aux institutions politiques. Ces indicateurs ont donnĂ© lieu Ă  de nombreuses extensions et interprĂ©tations si bien que de l’avis des experts qui s’y penchent, il est difficile de s’y retrouver. Cependant, dans le but de clarifier les multiples usages du capital social, Woolcock et Narayan 2000 dĂ©gagent quatre types d’analyse du capital social l’approche communautariste reposant sur l’activitĂ© associative dans une communautĂ©, l’approche par les rĂ©seaux s’intĂ©ressant Ă  leurs structures et contenu, l’approche institutionnelle examinant la vitalitĂ© des rĂ©seaux communautaires en relation avec l’environnement politique, juridique et institutionnel, l’approche synergique reconnaissant une action rĂ©ciproque des rĂ©seaux et des institutions. 29Les Ă©tudes empiriques sur le capital social ont dĂ©montrĂ© leur pertinence dans trois ordres principaux de rĂ©sultats le dĂ©veloppement social, le dĂ©veloppement Ă©conomique et la santĂ©. De nombreuses Ă©tudes empiriques ont conclu Ă  un lien possible entre le capital social mesurĂ© par la densitĂ© des liens et l’instruction, le bien-ĂȘtre des enfants, la dĂ©linquance, la vitalitĂ© des quartiers, la santĂ© physique et psychologique, la satisfaction et la dĂ©mocratie Healy et CĂŽtĂ©, 2001 ; Helliwell, 2001. Capital social et inĂ©galitĂ©s de santĂ© 30L’étude des liens sociaux, du capital social et de la santĂ© mise sur deux grandes traditions de recherche. La premiĂšre a Ă©mergĂ© durant les annĂ©es 1970 et porte sur la notion de rĂ©seaux de soutien social. La seconde fait son apparition durant les annĂ©es 1990 et recourt au concept de capital social. Les deux traditions cependant cherchent Ă  expliquer la mortalitĂ© et la morbiditĂ© diffĂ©rentielles. RĂ©seaux de soutien social 31Le soutien social renvoie aux dimensions cognitives des relations sociales le bien-ĂȘtre qu’il procure. Les relations sociales sont vues comme des ressources relationnelles pouvant transmettre des ressources matĂ©rielles ou informationnelles aux personnes qui en ont besoin Lemieux, 1999 ; Lin, 1995. Les rĂ©seaux de soutien sont caractĂ©risĂ©s par les Ă©changes entre des personnes aidantes par exemple, des parents, des amis, des voisins, des bĂ©nĂ©voles et des personnes aidĂ©es des personnes ĂągĂ©es, des malades, des personnes dĂ©favorisĂ©es sur le plan de diffĂ©rentes ressources. Les fonctions du soutien social sont instrumentales et expressives et apportent soit une aide Ă©motionnelle empathie ; 2 une aide instrumentale et tangible ; 3 de l’information conseil, mentorat ; 4 de l’accompagnement ; 5 ou renforcent le sentiment d’appartenance et les liens de solidaritĂ©. 32Plusieurs Ă©tudes ont dĂ©montrĂ© que les rĂ©seaux de soutien social sont associĂ©s positivement au maintien de la santĂ©, voire mĂȘme Ă  une espĂ©rance de vie prolongĂ©e. L’étude pionniĂšre du comtĂ© d’Alameda aux États-Unis Berkman et Syme, 1979 a dĂ©montrĂ© Ă  partir d’un suivi de neuf ans que les taux de mortalitĂ© Ă©taient supĂ©rieurs chez les personnes dĂ©pourvues de liens sociaux familiaux, amicaux, ou communautaires. Les recherches qui ont suivi cette premiĂšre Ă©tude House et al., 1982 ont renforcĂ© les rĂ©sultats dĂ©gagĂ©s de l’étude sur le comtĂ© d’Alameda, c’est-Ă -dire l’étroite relation entre les rĂ©seaux sociaux et les taux de mortalitĂ©. Les conclusions de ces Ă©tudes dĂ©montraient que les personnes n’ayant pas de rĂ©seau de soutien avaient une probabilitĂ© de mourir de deux Ă  trois fois supĂ©rieure aux personnes possĂ©dant un tel rĂ©seau. 33Cette association a Ă©tĂ© mise en Ă©vidence Ă  travers plusieurs Ă©tudes de population et pour plusieurs causes de maladies maladies ischĂ©miques, cĂ©rĂ©brovasculaires, circulatoires, les cancers, ainsi que les maladies respiratoires et gastro-intestinales Berkman, 1995. Les rĂ©seaux sociaux exercent aussi une influence positive sur les comportements prĂ©ventifs dĂ©pistage du cancer, dialyse, arrĂȘt du tabagisme, consommation d’alcool Berkman, 1995. La maladie physique et mentale peut aussi diminuer les capacitĂ©s d’intĂ©gration sociale et accroĂźtre l’isolement, le soutien social pourrait ainsi contribuer Ă  une meilleure adaptation. On sait Ă©galement que les relations sociales ne sont pas toujours positives pour les individus et qu’elles peuvent ĂȘtre la source de stress et de morbiditĂ©, tels que les conflits familiaux ou les conflits au travail, ou encore l’influence nĂ©gative des pairs dans la prise de risque chez les jeunes. 34Dans cette tradition de recherche, on retrouve l’indice de rĂ©seaux de soutien social dĂ©veloppĂ© par L. Berkman, qui mesure la quantitĂ© et la frĂ©quence de l’appui offert par les rĂ©seaux de parents et d’amis quantitĂ© et frĂ©quence, la participation sociale associative, communautaire, religieuse, charitable et le soutien social Ă©motif et instrumental. PionniĂšre dans ce domaine, elle a largement contribuĂ© Ă  circonscrire cette tradition de recherche Berkman, 2000. Au Canada, les enquĂȘtes nationales de santĂ© SantĂ© QuĂ©bec, ENSP, ESCC incluent diffĂ©rentes variables de rĂ©seaux sociaux rĂ©seau de parents, d’amis, de voisinage, frĂ©quence des contacts, participation sociale, bĂ©nĂ©volat, indice de soutien social, indice de cohĂ©rence sense of coherence. RĂ©cemment l’enquĂȘte sociale gĂ©nĂ©rale, ESG-cycle 17, a Ă©tĂ© consacrĂ©e Ă  l’engagement social au Canada. Capital social 35Quant au concept de capital social qui a succĂ©dĂ© aux Ă©tudes sur le soutien social, il s’est rapidement taillĂ© une place importante dans l’agenda de la santĂ© publique et des populations, en raison de son appropriation par l’épidĂ©miologie sociale et de son potentiel explicatif des inĂ©galitĂ©s de santĂ©. Comme nous l’avons mentionnĂ© prĂ©cĂ©demment, le concept a puisĂ© Ă  deux sources thĂ©oriques diffĂ©rentes, l’une dĂ©finissant le capital social par le rĂ©seau de relations sociales donnant accĂšs Ă  des ressources, dĂ©finition rĂ©ticulaire instrumentale, et l’autre par les normes de rĂ©ciprocitĂ© et de confiance, de participation sociale et civique amĂ©liorant l’efficacitĂ© collective et l’intĂ©gration sociale dĂ©finition par la fonction. La perspective de recherche qui s’est imposĂ©e dans les Ă©tudes d’épidĂ©miologie sociale associe le capital social au degrĂ© de cohĂ©sion sociale mesurĂ©e par la distribution des inĂ©galitĂ©s sociales et tout indicateur reliĂ© aux ruptures de liens dans une sociĂ©tĂ© criminalitĂ©, divorce et la prĂ©sence de liens sociaux forts mesurĂ©s par le niveau de confiance et de rĂ©ciprocitĂ© rendre service, la multiplicitĂ© des associations reliant les individus participation sociale et civique et leur relation avec la santĂ© des populations. Le concept sert Ă  dĂ©finir certaines caractĂ©ristiques des relations dont le niveau de confiance et les normes de rĂ©ciprocitĂ© qui viennent renforcer les liens sociaux dans les communautĂ©s et les sociĂ©tĂ©s Kawachi et Berkman, 2000. Les auteurs prĂ©cisent cependant que si le capital social contribue Ă  la cohĂ©sion sociale, il n’en est certes pas une condition suffisante. 36Wilkinson a Ă©tĂ© le premier Ă  introduire le concept de capital social dans les Ă©tudes portant sur la santĂ© 1996. Il avance l’idĂ©e que les sociĂ©tĂ©s plus Ă©galitaires en termes de distribution du revenu et plus cohĂ©sives socialement ont une meilleure espĂ©rance de vie. Comparant diffĂ©rentes rĂ©gions gĂ©ographiques, l’Europe de l’Est, l’Angleterre, le Japon, la ville amĂ©ricaine de Rosetto, il en vient Ă  la conclusion que plus grande est la cohĂ©sion sociale meilleure est la santĂ©. Le concept gagne ensuite en importance dans les Ă©tudes Ă©pidĂ©miologiques pour la comprĂ©hension du lien entre les inĂ©galitĂ©s sociales et les taux de mortalitĂ©. L’expression passer sous la peau » traduit l’effet des inĂ©galitĂ©s sociales en termes de morbiditĂ© et mortalitĂ© prĂ©coces. Les premiĂšres Ă©tudes de Wilkinson 1998 ont rĂ©vĂ©lĂ© une corrĂ©lation forte entre la mortalitĂ© et les inĂ©galitĂ©s de revenus. Putnam 2001 a Ă©galement dĂ©montrĂ© que les indicateurs de santĂ© sont meilleurs dans les Ă©tats amĂ©ricains ayant un capital social plus Ă©levĂ©. Dans les pays scandinaves HyppĂ€ et MĂ€ki 2001 concluent que la minoritĂ© finlandaise de langue suĂ©doise a une meilleure espĂ©rance de vie et que leur capital social y contribuerait. Lomas 1998 a mis en Ă©vidence l’importance des rĂ©seaux sociaux comparĂ©e Ă  d’autres types d’intervention dans le domaine de la santĂ© publique au Canada. Les communautĂ©s ayant un faible capital social prĂ©sentent des niveaux de stress plus Ă©levĂ©s, un taux d’isolement social plus grand, une moins grande capacitĂ© de rĂ©pondre aux risques environnementaux, ou aux interventions de santĂ© publique Szreter et Woolcoock, 2004. Une rĂ©cente recension de la littĂ©rature examine la relation entre capital social et santĂ© dans diffĂ©rents pays selon leur degrĂ© d’égalitarisme Ă©conomique. Tenant compte des protocoles de recherche et des mĂ©thodologies, les rĂ©sultats indiquent une association positive entre capital social et meilleure santĂ© au niveau individuel. Au niveau contextuel, la relation serait moins frappante Islam et al., 2006 37Outre les indicateurs prĂ©citĂ©s, Lochner et ses collĂšgues 1999 ont examinĂ© une sĂ©rie d’instruments de mesure, telle que la cohĂ©sion du quartier et la mesure d’efficacitĂ© collective de Bandura - dĂ©finie comme un sentiment de compĂ©tence collective entre individus qui dĂ©cident d’affecter, de coordonner et d’intĂ©grer leurs ressources de façon efficace et concertĂ©e pour faire face Ă  des situations spĂ©cifiques ». Tout rĂ©cemment, dans le contexte de l’approche axĂ©e sur les rĂ©seaux », Van Der Gaag et Snijders ont produit un outil, le gĂ©nĂ©rateur de ressources » qui ne semble pas avoir encore servi aux Ă©tudes de santĂ©. Cet outil de mesure du capital social questionne les rĂ©pondants sur leur accĂšs Ă  diverses ressources et sur les types de liens qui leur permettent d’accĂ©der Ă  ces ressources connaissances, amis, membres de la famille. L’outil couvre quatre dimensions des ressources le prestige et l’éducation, les habiletĂ©s politiques et Ă©conomiques, les habiletĂ©s sociales et le soutien social. Un tel outil s’avĂšre prometteur pour dĂ©passer les lacunes mĂ©thodologiques toujours apparentes dans la mesure du capital social. RĂ©cemment, une Ă©quipe de recherche a conduit une analyse secondaire Ă  partir des donnĂ©es recueillies dans le cadre du cycle 17 de l’EnquĂȘte sociale gĂ©nĂ©rale ESG de 2003 Bouchard et al., 2006. L’étude dĂ©montre que les indicateurs de capital social les plus proches d’une approche rĂ©seau les rĂ©seaux de liens forts et les rĂ©seaux de liens avec les organisations sont associĂ©s de maniĂšre significative Ă  l’état de santĂ© perçu de trois sous-populations les aĂźnĂ©s, les immigrants et les membres de mĂ©nages Ă  faible revenu. 38Par quels mĂ©canismes la cohĂ©sion sociale, dĂ©finie par le degrĂ© d’équitĂ© sociale, peut-elle ĂȘtre reliĂ©e Ă  la santĂ© ? Les synthĂšses de recherche sociologique permettent de faire ressortir trois types d’explication une explication matĂ©rialiste, une explication psychosociale et une explication comportementale, liĂ©e aux styles de vie. 39L’explication matĂ©rialiste met en Ă©vidence la forte corrĂ©lation entre le revenu et la santĂ©, autrement dit les personnes les plus dĂ©pourvues au niveau financier vont mourir plus prĂ©cocement, vont connaĂźtre davantage de problĂšmes de santĂ© physique et mentale que les personnes ayant les meilleurs revenus. Ce dĂ©savantage matĂ©riel affecte la santĂ© Ă  travers plusieurs mĂ©canismes, dont le stress psychosocial, les styles de vie qui impliquent davantage de risques pour la santĂ© fumer et boire avec excĂšs, conduire en Ă©tat d’ébriĂ©tĂ©, occuper un travail plus risquĂ© et plus exigeant pour la santĂ©, ne pas avoir accĂšs aux bonnes ressources alimentaires, etc. et la dĂ©saffiliation » sociale. L’explication psychosociale de l’impact des inĂ©galitĂ©s met l’accent sur le stress engendrĂ© par le fait de vivre dans des conditions d’insuffisance et d’adversitĂ© ne pas avoir d’emploi, ne pas avoir assez d’argent pour finir le mois, ne pas pouvoir nourrir correctement ses enfants et ne pas satisfaire les besoins de base. À travers les voies du systĂšme neuroendocrinien et immunitaire, pareil stress finit par user prĂ©maturĂ©ment et engendrer plus rapidement la maladie et le vieillissement Sapolski, 2005. L’explication reliĂ©e aux styles de vie mettra de l’avant que les comportements et les attitudes adoptĂ©es par des groupes d’individus le sont en fonction de leur environnement social, Ă©conomique et culturel. Si le tabagisme ou l’alcoolisme est plus frĂ©quent dans les classes sociales plus dĂ©favorisĂ©es, c’est que ces pratiques servent de rĂ©sistance ou d’échappatoire aux conditions difficiles de vie. Les styles de vie, dans la perspective de Weber, s’ils sont adoptĂ©s par choix individuels les goĂ»ts alimentaires, le type de logement, de loisirs, l’apparence
, sont dĂ©terminĂ©s par les contextes sociaux qui, quant Ă  eux, sont donnĂ©s par chance dimension structurelle telle que naĂźtre dans une famille riche donnant accĂšs Ă  un type de culture, de ressources, de maniĂšre d’ĂȘtre, de manger, etc. Cockerham, 2005 ; Frohlich, 2001. La position sociale, dĂ©finie par le statut ou le prestige, le pouvoir social et Ă©conomique de l’individu, exerce une influence prĂ©pondĂ©rante sur les styles de vie. La thĂ©orie des capitaux de Bourdieu et des styles de vie collectifs de Frohlich renforcent cette vision. Selon leurs expĂ©riences individuelles et collectives, les membres des groupes les plus dĂ©savantagĂ©s peuvent vivre une dĂ©saffiliation », c’est-Ă -dire une rupture partielle ou complĂšte du lien social Castel, 1994. Cette dĂ©saffiliation se traduit par un Ă©puisement des stocks de capital social oĂč les individus mis Ă  l’écart du lien social ne peuvent plus bĂ©nĂ©ficier des ressources accessibles par l’appartenance Ă  des rĂ©seaux sociaux Vankemenade, et al., 2006. 40Il est important de considĂ©rer que ces trois ordres d’explication sont reliĂ©s, car la position sociale et l’accĂšs aux ressources sont deux variables directement proportionnelles Bouchard, 2008. Afin d’unifier ces diffĂ©rentes thĂ©ories, Nancy Krieger 2001 a proposĂ© la thĂ©orie Ă©co-sociale, une thĂ©orie qui vise Ă  rendre compte de la complexitĂ© de la relation entre position et appartenance sociale et santĂ©. Conclusion 41Depuis leur origine, les sciences sociales se penchent sur le problĂšme de la vie en sociĂ©tĂ©, de la dĂ©mocratie, de la justice sociale et de l’abolition des inĂ©galitĂ©s. Les thĂ©ories, pour la majoritĂ©, convergent en ce sens. En raison de ses travaux pionniers sur la cohĂ©sion sociale et le suicide, Durkheim est la rĂ©fĂ©rence la plus citĂ©e dans le domaine d’étude des inĂ©galitĂ©s de santĂ©. Mais, c’est dans la division du travail qu’il Ă©labore les fondements thĂ©oriques de la solidaritĂ© sociale qui seront ultĂ©rieurement mis en application dans l’étude sur le suicide. La fonction principale de la division du travail et de la spĂ©cialisation des tĂąches est de produire de la solidaritĂ© sociale. Plus les populations se densifient et s’accroissent en volume, plus elles doivent, pour survivre aux conditions nouvelles, se diffĂ©rencier et s’individualiser. Ce processus n’est possible que si la force collective qui rĂ©gulait les comportements laisse place Ă  celle d’individus conscients du besoin qu’ils ont des uns des autres altruisme pour satisfaire diffĂ©rents besoins, donner sens Ă  leurs actions et Ă©voluer. Ce processus entraĂźne la division du travail, qui elle contribue Ă  la crĂ©ation de rĂšgles et de droits pour rĂ©guler les fonctions divisĂ©es. La division du travail ainsi que les rĂšgles de droit qui l’accompagnent est un processus continu dynamique, qui se renouvelle constamment. Comme chaque individu y est engagĂ©, il n’a donc pas le choix de mener ses luttes tout en Ă©tant solidaire, et de rechercher les rĂšgles contractuelles les plus justes possibles. Alors que la conscience collective forte des sociĂ©tĂ©s traditionnelles s’appuyait sur la croyance en un dieu, les sociĂ©tĂ©s complexes s’organisent autour d’un principe de justice. Plus les bouleversements sociaux sont rapides, plus la nouvelle rĂ©gulation est difficile Ă  Ă©tablir. C’est dans ce contexte que la division du travail stagne, crĂ©e l’anomie et les pathologies sociales s’accroissent le suicide, le crime, la maladie, la mortalitĂ© prĂ©coce, etc. 42Comme la rĂ©volution industrielle a substantiellement transformĂ© la morphologie sociale, la mondialisation intensive actuelle des Ă©changes complexifie davantage l’organisation des sociĂ©tĂ©s. Suivant le raisonnement de Durkheim, les liens de solidaritĂ© subsisteraient aux changements mais prendraient une forme nouvelle. Selon Castells, les rĂ©seaux constituent la nouvelle morphologie sociale. Ceux-ci connectent les individus par delĂ  les frontiĂšres traditionnellement Ă©tablies de la famille, des classes sociales, de la rĂ©gion, du pays. Les rĂ©seaux constituent Ă©galement les nouvelles formes d’action sociale, de coordination et de gouvernance qui en retour suscite une nouvelle organisation sociale. Dans cette dynamique oĂč les groupes d’intĂ©rĂȘts se multiplient, la lutte aux injustices, aux inĂ©galitĂ©s ne peut que s’intensifier. 43C’est dans cette ligne de pensĂ©e que se situe la recherche sur le capital social. Bien que le concept, comme on l’a vu, ne soit pas encore complĂštement Ă©tabli au plan scientifique, il est suffisamment heuristique pour que la recherche se poursuive. Si au temps de Coleman, les ingrĂ©dients les rĂ©seaux, l’information, les normes de rĂ©ciprocitĂ©, de sanctions et de contrĂŽle social ont Ă©mergĂ©s, ainsi que la fonction faciliter l’action sociale et qu’au temps de Bourdieu, la dĂ©finition du capital social s’était prĂ©cisĂ©e dans le concept de rĂ©seau de relations sociales, il ne semble pas encore correspondre conceptuellement et mĂ©thodologiquement Ă  la mĂ©thode durkheimienne, Ă  savoir que tel fait social produit tel autre fait social. En poursuivant ce raisonnement, il est possible de dĂ©passer cette limite et d’avancer que le capital social les rĂ©seaux est producteur de solidaritĂ© sociale chemin faisant, il contribue Ă  la cohĂ©sion sociale, autrement dit Ă  la santĂ© globale d’une sociĂ©tĂ© plus juste. La division du travail et la spĂ©cialisation des tĂąches se poursuivent Ă  travers les rĂ©seaux, symbole de la sociĂ©tĂ© contemporaine du savoir et de l’information. RĂ©seaux communautaires, rĂ©seaux politiques, Ă©conomiques s’entrelacent dans le but ultime de rĂ©aliser l’égalitĂ© des citoyens et des peuples. Le capital social est ainsi un Ă©lĂ©ment fondamental de l’organisation des sociĂ©tĂ©s complexes et mondialisĂ©es et de l’atteinte des objectifs de justice sociale. 403 ERROR The Amazon CloudFront distribution is configured to block access from your country. We can't connect to the server for this app or website at this time. There might be too much traffic or a configuration error. Try again later, or contact the app or website owner. If you provide content to customers through CloudFront, you can find steps to troubleshoot and help prevent this error by reviewing the CloudFront documentation. Generated by cloudfront CloudFront Request ID I38GzriiTGde5Crag59DfL9mGMsmTCW9wcc8iHdmxfM2NU32BijZBw== J’apporte mon soutien Etat des lieux de la protection sociale dans le monde La protection sociale dans le monde en chiffres 55% de la population mondiale ne bĂ©nĂ©ficie pas d’une protection sociale en 2017 10 millions de professionnels de la santĂ© sont nĂ©cessaires pour atteindre la couverture sanitaire universelle. 83 millions de mĂšres n’ont pas accĂšs Ă  des prestations de maternitĂ© des personnes lourdement handicapĂ©es bĂ©nĂ©ficient d’une couverture sociale dans le monde 48% de la population mondiale vit dans un pays qui n’offre pas de prise en charge pour les soins de longue durĂ©e 800 millions de personnes dĂ©pensent au moins 10% de leur budget pour payer les soins de santĂ©. 12,8% de jeunes sont au chĂŽmage. 152 millions de travailleurs sans emploi sont laissĂ©s sans protection contre le chĂŽmage. Evolution de la couverture mondiale en protection sociale Ă  travers l'histoire En route pour un monde plus durable et juste En septembre 2015, les 193 Etats membres de l’ONU ont adoptĂ© le programme de dĂ©veloppement durable pour 2030, intitulĂ© Agenda 2030. C’est un agenda pour les populations, pour la planĂšte, pour la prospĂ©ritĂ©, pour la paix. Il vise Ă  transformer le monde en Ă©radiquant la pauvretĂ© et en assurant la transition vers un dĂ©veloppement durable. 17 objectifs ont Ă©tĂ© fixĂ©s pour l’horizon 2030. La protection sociale est prĂ©sente, directement ou indirectement pour au moins 5 d’entre eux. Elle est donc un Ă©lĂ©ment incontournable pour parvenir Ă  un monde plus durable et plus juste. 1 - Pas de pauvretĂ© Objectif Mettre en place des systĂšmes et mesures de protection sociale pour tous, adaptĂ©s au contexte national, y compris des socles de protection sociale, et faire en sorte que, d’ici Ă  2030, une part importante des pauvres et des personnes vulnĂ©rables en bĂ©nĂ©ficient. 3 - Bonne santĂ© et bien-ĂȘtre Objectif Faire en sorte que chacun bĂ©nĂ©ficie d’une couverture sanitaire universelle, comprenant une protection contre les risques financiers et donnant accĂšs Ă  des services de santĂ© essentiels de qualitĂ© et Ă  des mĂ©dicaments et vaccins essentiels sĂ»rs, efficaces, de qualitĂ© et d’un coĂ»t abordable. 5 - EgalitĂ© des sexes Objectif Faire une place aux soins et travaux domestiques non rĂ©munĂ©rĂ©s et les valoriser, par l’apport des services publics, d’infrastructures et de politiques de protection sociale et la promotion du partage des responsabilitĂ©s dans le mĂ©nage et la famille, en fonction du contexte national. 8 - Travail dĂ©cent et croissance Ă©conomique Objectif D’ici Ă  2030, parvenir au plein emploi productif et garantir Ă  toutes les femmes et Ă  tous les hommes, y compris les jeunes et les personnes handicapĂ©es, un travail dĂ©cent et un salaire Ă©gal pour un travail de valeur Ă©gale 10 - InĂ©galitĂ©s rĂ©duites Objectif Adopter des politiques, notamment sur les plans budgĂ©taires, salarial et dans le domaine de la protection sociale, et parvenir progressivement Ă  une plus grande Ă©galitĂ©. Mieux comprendre les diffĂ©rents enjeux en matiĂšre de protection sociale universelle Avec la protection sociale, nous pouvons bĂątir un monde meilleur Voix de jeunes sur la justice sociale La Couverture santĂ© universelle CSU qu’est-ce que c’est ? La protection sociale une nĂ©cessitĂ© tout au long de la vie Comprendre les objectifs de dĂ©veloppement durable L'Ă©galitĂ© des chances, une question de justice et de bon sens 1Alors que l’ensemble des pays occidentaux a connu au cours des cinquante derniĂšres annĂ©es une trĂšs nette amĂ©lioration de l’état de santĂ© de sa population, qui se traduit par exemple par l’allongement de l’espĂ©rance de vie ou le recul de certaines maladies, tous les individus n’en profitent pas Ă©galement. Quels que soient les maladies, les populations ou les indicateurs considĂ©rĂ©s, on observe de grandes diffĂ©rences entre groupes sociaux. 2La plus marquante de ces inĂ©galitĂ©s est sans doute celle devant la mort. L’ñge du dĂ©cĂšs est en effet liĂ© Ă  la fois au revenu, au diplĂŽme et Ă  la catĂ©gorie socioprofessionnelle Ă  35 ans, un ouvrier masculin a une espĂ©rance de vie infĂ©rieure de 7 ans Ă  celle d’un cadre masculin [Monteil et Robert-BobĂ©e, 2005]. La diffĂ©rence est de 3 ans pour les femmes. Ces disparitĂ©s se retrouvent dans les diffĂ©rents facteurs de morbiditĂ©, c’est-Ă -dire dans l’ensemble des maladies – cancers et maladies cardio-vasculaires notamment –, tout comme dans la santĂ© perçue c’est-Ă -dire jugĂ©e par les personnes elles-mĂȘmes, et dans les accidents ou les handicaps, plus frĂ©quents chez les plus pauvres. 3Parce qu’il s’agit d’un phĂ©nomĂšne complexe Ă  approcher, cet article tentera de faire une synthĂšse des Ă©tudes et des enjeux liĂ©s aux inĂ©galitĂ©s sociales devant la santĂ© en se penchant plus particuliĂšrement sur trois aspects. Il montrera d’abord que les inĂ©galitĂ©s de santĂ© pĂšsent sur ceux qui ont la plus mauvaise situation Ă©conomique et dĂ©crira la situation en matiĂšre de santĂ© des personnes les plus pauvres. Puis il s’attachera Ă  mettre en Ă©vidence le caractĂšre vĂ©ritablement clivant du milieu social Ă  travers un exemple, celui de l’obĂ©sitĂ©. Enfin, il se penchera sur une des causes de ces inĂ©galitĂ©s sociales les diffĂ©rences de recours aux santĂ© des plus dĂ©favorisĂ©s4Au-delĂ  des diffĂ©rences en termes de mortalitĂ©, les inĂ©galitĂ©s de santĂ© se manifestent par le fait que la probabilitĂ© de dĂ©velopper certaines maladies est inĂ©galement rĂ©partie. L’enquĂȘte SantĂ© rĂ©alisĂ©e en 2003 par l’Insee auprĂšs de 40 000 personnes a ainsi montrĂ© que les individus vivant en dessous du seuil de pauvretĂ© 1 sont plus nombreux Ă  dĂ©clarer certaines pathologies, comme les maladies de l’appareil digestif et des troubles mentaux et du comportement. C’est en matiĂšre de problĂšmes dentaires que l’inĂ©galitĂ© est la plus manifeste 11 % des pauvres souffrent de caries contre 6 % du reste de la population. Ils sont par ailleurs un peu plus nombreux Ă  avoir une prothĂšse amovible ou un dentier, mais beaucoup moins Ă  avoir une prothĂšse fixe de type couronne ou bridge 20 % contre 32 %, en raison du coĂ»t Ă©levĂ© de ces soins. 5Les pauvres sont Ă©galement lĂ©gĂšrement plus nombreux Ă  souffrir d’asthme et Ă  avoir des maladies infectieuses comme les bronchites ou la grippe ; ils dĂ©clarent plus souvent souffrir de maux de tĂȘte ; ils sont un peu plus nombreux 14,4 % contre 12,8 % pour le reste de la population Ă  avoir connu au moins une hospitalisation au cours de l’annĂ©e prĂ©cĂ©dent l’enquĂȘte. 6Les inĂ©galitĂ©s face Ă  la santĂ© apparaissent de maniĂšre prĂ©coce les enfants des familles pauvres sont, comme leurs parents, en moins bonne santĂ©. C’est Ă  nouveau particuliĂšrement vrai pour les problĂšmes de dents 6 % des enfants appartenant Ă  un mĂ©nage pauvre ont des caries contre seulement 2 % des autres enfants. Le fait que ce soit prĂ©cisĂ©ment pour des soins onĂ©reux, les soins dentaires, que les Ă©carts sont les plus grands, pour les adultes comme les enfants, souligne l’importance des coĂ»ts dans la comprĂ©hension des pratiques de santĂ©. 7Les inĂ©galitĂ©s de santĂ© ne se limitent pas Ă  la situation des plus pauvres. La probabilitĂ© de dĂ©velopper des pathologies diminue, pour la plupart d’entre elles, au fur et Ă  mesure qu’on monte dans la hiĂ©rarchie sociale. Un des exemples les plus significatifs de ce phĂ©nomĂšne est la situation vis-Ă -vis de l’ social et santĂ© l’exemple de l’obĂ©sitĂ©8Suite Ă  la trĂšs forte croissance en France de sa prĂ©valence c’est-Ă -dire du nombre de personnes touchĂ©es depuis les annĂ©es 1990, l’obĂ©sitĂ© constitue aujourd’hui un enjeu majeur de santĂ© publique. Du point de vue mĂ©dical, la prise de poids provient principalement d’un dĂ©sĂ©quilibre entre les apports alimentaires et les dĂ©penses Ă©nergĂ©tiques, c’est-Ă -dire entre les calories qu’un individu ingĂšre et celles qu’il dĂ©pense par son activitĂ© physique. MĂȘme si des facteurs gĂ©nĂ©tiques entrent en jeu, la place des facteurs sociaux et environnementaux est dĂ©terminante. 9En 2003, 15 % des personnes sans diplĂŽme ou ayant au plus le brevet des collĂšges Ă©taient obĂšses en France, contre 5 % seulement des diplĂŽmĂ©s du supĂ©rieur. L’écart de 10 points a doublĂ© entre 1981 et 2003, et il recouvre de fortes inĂ©galitĂ©s entre catĂ©gories socioprofessionnelles. C’est chez les agriculteurs que la proportion de personnes obĂšses est la plus Ă©levĂ©e 16 % ; viennent ensuite les ouvriers 13 %, les artisans, commerçants et chefs d’entreprise 11 %, les employĂ©s 11 %, les professions intermĂ©diaires 8 % et enfin les cadres et professions intellectuelles supĂ©rieures 6 %. Ces Ă©carts ont tendance Ă  se creuser. 10Les inĂ©galitĂ©s se retrouvent lorsque l’on fait porter l’analyse sur les niveaux de vie, mais les situations sont en rĂ©alitĂ© trĂšs diffĂ©rentes selon le genre les inĂ©galitĂ©s sont surtout marquĂ©es chez les femmes. La prĂ©valence de l’obĂ©sitĂ© dans le premier quartile chez les 25 % des individus les moins riches est de 10 % pour les hommes et de 13 % pour les femmes, alors qu’elle est respectivement de 9 % et 6 % dans le dernier quartile 25 % des individus les plus riches. 11D’oĂč ces diffĂ©rences proviennent-elles ? La premiĂšre piste d’explication est celle des modes de vie, et en particulier des conditions de travail et de l’usage professionnel qui est fait du de vie et inĂ©galitĂ©s de santĂ©12Le travail est en cause dans prĂšs d’un problĂšme de santĂ© sur cinq, et dans prĂšs d’un sur deux pour certaines affections comme les maux de dos ou de cou [Waltisperger, 2004]. La nature des tĂąches, l’exposition Ă  des nuisances ou Ă  des pollutions, les positions et les mouvements nĂ©cessaires Ă  l’activitĂ©, notamment dans les professions les plus physiques, contribuent pour beaucoup Ă  ces problĂšmes de santĂ©. Les conditions de travail plus pĂ©nibles valent aux ouvriers de subir une double peine » [Cambois et al., 2008] non seulement leur espĂ©rance de vie est moins importante que celle des cadres, mais ils passent plus de temps qu’eux Ă  souffrir d’incapacitĂ©s et de handicaps. 13Par ailleurs, les situations prĂ©caires, en particulier le passage par des pĂ©riodes de chĂŽmage, ont des consĂ©quences sur la santĂ©, qui rendent plus difficile encore le retour Ă  l’emploi. Les risques de dĂ©pression sont accrus par une longue pĂ©riode de chĂŽmage ou des pĂ©riodes de chĂŽmage rĂ©currentes [Leroux et Morin, 2006]. De maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale, on a observĂ© en Europe que l’augmentation du taux de chĂŽmage s’accompagnait d’une dĂ©tĂ©rioration de la santĂ© publique, et notamment d’une augmentation des taux de mortalitĂ© une dizaine d’annĂ©es plus tard [Brenner, 2002]. 14L’état de santĂ© est aussi le fruit du mode de vie de l’individu et du groupe auquel il appartient. Nombreuses sont les pratiques, notamment corporelles, qui sont diffĂ©renciĂ©es socialement. Les ouvriers fument en moyenne plus souvent que les cadres, les hommes plus que les femmes, les chĂŽmeurs plus que les actifs [Aliaga, 2001]. Si un cadre achĂšte en moyenne 1,9 fois plus de medicaments prescrits qu’un ouvrier non qualifiĂ© [Auvrey et al., 2003], ce n’est pas seulement pour des raisons Ă©conomiques, mais aussi parce qu’il n’a pas le mĂȘme rapport Ă  son corps. Les professions dans lesquelles le corps a un rĂŽle plus instrumental tendent Ă  survaloriser les capacitĂ©s physiques et Ă  ĂȘtre moins sensibles Ă  la douleur ou Ă  la fatigue [Boltanski, 1971]. Les inĂ©galitĂ©s face Ă  la santĂ© viennent ainsi Ă©galement de diffĂ©rences de reprĂ©sentation, qui peuvent conduire les plus pauvres Ă  moins s’intĂ©resser Ă  leur corps et Ă  leur diffĂ©rences de recours aux soins15Les personnes vivant en dessous du seuil de pauvretĂ© consultent moins souvent 18 % d’entre elles n’ont pas consultĂ© de mĂ©decin gĂ©nĂ©raliste en 2003 contre 15 % du reste de la population. L’écart se creuse pour les consultations de mĂ©decins spĂ©cialistes la moitiĂ© des pauvres n’ont pas consultĂ© de spĂ©cialiste en 2003, alors que ce n’est le cas que de 39 % du reste de la population. 16Les plus pauvres sont par ailleurs moins nombreux Ă  recourir Ă  des pratiques de dĂ©pistage et de prĂ©vention. C’est le cas aussi bien pour les mammographies, que pour les frottis gynĂ©cologiques ou les recherches de sang dans les selles, qui permettent respectivement de dĂ©tecter le cancer du sein, du col de l’utĂ©rus et du colon. En 2003, 34 % femmes de 40 ans et plus appartenant Ă  des mĂ©nages pauvres n’avaient jamais effectuĂ© de mammographie, contre 19 % des autres femmes de plus de 40 ans. Constat identique pour les tests de dĂ©pistage de l’hĂ©patite C et du VIH en 2003, 27 % des individus en dessous du seuil de pauvretĂ© avaient dĂ©jĂ  effectuĂ© un test de dĂ©pistage du VIH contre 36 % du reste de la population. Ces diffĂ©rences dans les pratiques de prĂ©vention sont essentielles, car elles risquent de continuer Ă  creuser l’écart entre les plus dĂ©favorisĂ©s et le reste de la population. 17S’il existe bien des diffĂ©rences de rapport au corps et aux soins entre groupes sociaux, la contrainte financiĂšre qui pĂšse sur les plus pauvres est Ă©galement pour beaucoup dans les inĂ©galitĂ©s de santĂ©. 22 % des individus pauvres n’ont pas de complĂ©mentaire santĂ© CMU complĂ©mentaire comprise alors que ce n’est le cas que de 7 % du reste de la population. Le recours aux soins revient plus cher Ă  ces individus non couverts puisqu’ils ne sont remboursĂ©s que sur la base de la SĂ©curitĂ© sociale santĂ© est l’une des dimensions de la vie pour lesquelles il existe encore aujourd’hui de fortes inĂ©galitĂ©s sociales dont certaines, comme c’est le cas pour l’obĂ©sitĂ©, ont tendance Ă  s’accroĂźtre. ConsĂ©quences des inĂ©galitĂ©s Ă©conomiques et sociales, les inĂ©galitĂ©s de santĂ© contribuent en retour Ă  accroĂźtre les difficultĂ©s des plus dĂ©favorisĂ©s. Une personne qui occupe un emploi a ainsi beaucoup plus de risques de devenir chĂŽmeur ou inactif si elle a des problĂšmes de santĂ© [Jusot et al., 2007] le risque est multipliĂ© par 4 pour les personnes souffrant d’une affection de longue durĂ©e et par 1,5 pour les personnes atteintes d’une maladie incapacitante. Le risque de chĂŽmage est, quant Ă  lui, deux fois plus Ă©levĂ© chez les personnes qui jugent ĂȘtre en mauvaise santĂ© que chez celles qui se dĂ©clarent en bonne santĂ©. Les inĂ©galitĂ©s de santĂ© sont ainsi Ă  la fois produites par et productrices des inĂ©galitĂ©s Ă©conomiques et C. 2001, Le tabac vingt ans d’usage et de consommation », Insee PremiĂšre, n° 808, ligneBoltanski L. 1971, Les usages sociaux du corps », Revue Annales Économie SociĂ©tĂ© Histoire, n°26, p. 205– M. H. 2002, Unemployment and public health in the European Union », Final Report to the European Commission, Directorate-General for Employment and Social Affairs, European Commission. En ligneCambois E., Laborde C., Robine 2008, La double peine » des ouvriers plus d’annĂ©es d’incapacitĂ© au sein d’une vie plus courte », Population et sociĂ©tĂ©s, n°441, F., Khlat M., Rochereau T., Sermet C. 2007, Un mauvais Ă©tat de santĂ© accroĂźt fortement le risque de devenir chĂŽmeur ou inactif », Questions d’économie de la santĂ©, n° 125, I. et Morin T. 2006, Facteurs de risques et Ă©pisodes dĂ©pressifs en population gĂ©nĂ©rale », Études et rĂ©sultats, n°545, C., Robert-BobĂ©e I. 2005, Les diffĂ©rences sociales de mortalitĂ© en augmentation chez les hommes, stables chez les femmes », Insee PremiĂšre, n° 1025, D. 2004, Le travail est rendu responsable d’un problĂšme de santĂ© sur cinq », PremiĂšres informations et premiĂšres synthĂšses, n° Dares.

comment les inégalités sociales portent atteinte à la cohésion sociale